Le 9 mai 2011, l'Occident s'ébaudit encore des printemps arabes comme du spectacle touchant d'une rébellion adolescente, avec la considération frémissante de celui qui se rappelle vaguement en avoir eu à passer par là et s'en être remis. Ce jour-là, dit de «fête de la victoire sur le fascisme», un cinéaste syrien prend la route de Cannes. C'est Ossama Mohammed, 57 ans alors, trois films réalisés (dont deux passés par la Croisette, Etoiles de jour en 1988, puis Sacrifices en 2002) et tant d'autres rêvés et empêchés, laissés à l'état de démangeaisons contenues dans les entraves du régime. Il vient cette fois sans film, mais «le film c'est moi, dit-il. Cinéaste syrien, avec mille et une images». Des images d'horreur, déjà. Ossama Mohammed ne rentrera pas en Syrie.
«Images tueuses». La virée cannoise embouche pour lui sur un exil parisien. Il mène alors depuis la France le travail, déjà initié chez lui, d'investigation de ce nouvel état des images qu'aurait ordonné la guerre lancée par Bachar al-Assad contre l'insurrection de son peuple. Sur YouTube, il trouve des «images martyres», tournées par ceux qui risquent deux fois leur vie, d'abord en sortant de chez eux crier leur colère, mais aussi en portant la caméra contre ceux qui la considèrent comme une arme antirégime - car, dans l'état où se trouve notre monde, à quoi sert-il de se soumettre à pareil danger de mort au nom de la liberté, s'il n'en demeure