L'entreprise était méchamment casse-gueule de passer du quasi-documentaire de la BM du Seigneur, sorti il y a trois ans, à une fiction réunissant les mêmes acteurs non professionnels mais puisant ses sources dans le western et le film noir. Jean-Charles Hue ne s'en était pas ému outre mesure puisque Mange tes morts était le premier scénario qu'il aurait voulu convertir en long métrage. Et c'est peut-être mieux comme cela, tant le metteur en scène a ainsi pu prendre une salutaire distance avec ses acteurs qui se trouvent être également des membres de sa famille d'adoption. Au passage, le cinéaste s'est affirmé, construisant ici une poésie sauvage qu'il ne doit qu'à lui-même.
L’épisode qui forme la trame du film est, dans ses grandes lignes, un moment vécu, entre adrénaline à pleins tuyaux et trip survolté, quand le jeune cinéaste roulait sa bosse avec ses cousins yéniches. Il avait fait leur connaissance grâce à un oncle baroudeur qui, par un heureux hasard, s’était découvert des ancêtres communs avec la famille Dorkel, des durs à cuire de cette communauté gitane du nord de l’Europe. Coup de foudre de Hue qui se faufile chez les Dorkel avant que ceux-ci ne l’adoptent pour de bon, devenant par la suite les personnages magnifiques de ses films. Et la folle virée nocturne qui, ici, tient lieu de ligne narrative, a des allures de passage initiatique musc