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Libération

Où Godard est à Cannes

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Publié le 22/05/2014 à 18h26

Jean-Luc ! Eh, Jean-Luc, viens on fait un selfie ! Allez, fais pas ta star, quoi. Antoine, je vous interromps car Jean-Luc Godard s'approche des marches, bonjour Jean-Luc, est-ce que le soleil revenu en même temps que vous à Cannes ici en direct est un bon présage pour Adieu au langage ? Jean-Luc ! Jean-Luc ! Mesdames, messieurs, il nous fait l'honneur d'être avec nous sur le plateau du Grand Journal : Jean-Luc Godard ! Mais d'abord la météo. Jean-Luc, demain, il fera 22° C à Vevey soit 20 degrés de moins que dans ma culotte.

Eh non, Jean-Luc Godard n'est pas venu à Cannes jouer la porcelaine dans un magasin d'éléphants. Il n'aura pas eu droit au Grand Journal, à être saucissonné entre une pub Chanel et deux Expendables, ni au feu des questions de Laurent Weil, pas plus qu'aux saillies de la miss météo.

Notre helvétique Bartleby n'est pas venu, mais il a envoyé une lettre à Gilles Jacob et Thierry Frémaux («mon cher président, mon cher directeur, chers vieux camarades»), une «lettre filmée», 8 minutes et 46 secondes d'un fatras de mots et d'images, qu'un fracas pictural aux accents de Take This Waltz, de Leonard Cohen, vient achever. «Je ne fais plus, et depuis longtemps, partie de la distribution, chevrote-t-il d'une voix qui s'abîme dans les profondeurs glaireuses de sa gorge, et ne suis pas encore où vous croyez que je suis encore.» Et d'ailleurs : «Oui, j'irai dorénavant là où je suis rest