Menu
Libération
Critique

«Leviathan» en emporte le temps

Article réservé aux abonnés
Festival de Cannes 2014dossier
Béring . Chronique aigre et lente par Andreï Zviaguintsev d’une Russie délétère, où tout finit par s’effondrer.
Roma, ado de dos. (Photo Pyramide)
publié le 23 mai 2014 à 19h46

Malgré des tombereaux de sélections et des prix glanés un peu partout (dont Cannes et Venise), il est presque paradoxal que les films d'Andreï Zviaguintsev soient de tels animaux de festival. Avec Leviathan, le cinéaste russe a encore franchi un échelon dans sa propension à tricoter de microscopiques intrigues dont il masque le plus longtemps possible, avec pudeur ou malice, difficile à dire, les dénouements et la charge symbolique. Dans une compétition électrique comme celle de Cannes, et alors que le jury est sur les jantes de la dernière ligne droite, ce goût pour la microchirurgie, exigeant un certain temps de maturation, ne semble pas de nature à lui faciliter la tâche.

G arage. Son affaire se déroule dans une petite bourgade portuaire de la mer de Béring, sans doute au cœur de l'été puisque les personnages ne portent qu'un seul pull et un anorak fourré. Les distractions étant rares, Kolia, le garagiste farouche solidement porté sur la bouteille qui fait figure de héros, se démène pour casser une décision administrative inique qui le contraint à quitter sa belle maison de bois au profit du maire, un gros bonhomme vulgaire et adipeux qui pourrait facilement devenir à lui tout seul une licence de l'oligarque russe (Roman Madianov, aussi drôle qu'inquiétant). Kolia habite là avec Lylia, sa femme plus jeune, et son ado de fils, Roma, pas foncièrement antipathique mais qui a pris de plein fou