«Ce n'est pas seulement moi qui ai quitté l'endroit où j'ai grandi: celui-ci a tellement changé que les souvenirs que j'en ai gardé semblent faux. Je ne peux pas revenir dans un pays qui n'existe plus sauf dans mes illusions. Ou alors faire un film sur ce sujet, auquel cas j'y reviendrai forcément», cette impressionnante déclaration de Sergei Loznitsa (une interview au Monde début 2013 pour la sortie de Dans la brume) est révélatrice du rapport à son pays pour le moins compliqué du cinéaste qui a grandi et étudié en Ukraine, avant de s'installer en Allemagne.
Talons. Ce «pays qui n'existe plus» connaît une nouvelle naissance avec les manifestations qui se concentrent sur la place de l'Indépendance à Kiev, après que le président Viktor Ianoukovitch a soudainement tourné les talons –direction Moscou– au moment où il devait signer un accord d'association avec l'UE. Ce revirement politique a été la goutte qui a fait déborder le vase dans un pays au bord du gouffre économique et totalement gangréné par la corruption. Loznitsa était en train de préparer un troisième long métrage de fiction quand, en novembre, les événements de Maidan ont commencé, et il a décidé d'y planter sa caméra pour documenter une action dont il ne se doutait probablement pas, au début, qu'elle allait le mobiliser sur plusieurs mois et le plonger au cœur d'un chaos mortel. Maidan n'est pas seulement un grand film arraché à la fournaise de