Il pleuvait sans cesse sur Cannes ce jour-là, ça donnait à la ville de chouettes airs de Luna Park abandonné. Un décor idoine pour Zoé Bruneau, qui nous apparaît comme le charme incarné, démaquillé, spontané. Elle a 32 ans mais une fraîcheur de jeune fleur, rien de sa mélancolie dans Adieu au langage. On est le matin, elle porte un sweat-shirt sur lequel il est écrit «Opening Night», elle dit qu'elle avait hâte de le mettre, qu'elle est mal à l'aise en robe de gala.
Elle comédienne de théâtre, «JLG» l'a repérée sur photo. Ils se sont rencontrés après une première entrevue filmée avec l'assistant du grand Franco-Suisse. Elle devait angoisser, non, de se retrouver face à cet Annapurna du cinéma ? «Oui, d'autant que je le savais très singulier, et que j'admire son travail. En même temps, j'en avais tellement envie !» Elle est entrée dans le salon de l'assistant. «Et alors j'ai vu quelqu'un de totalement prêt à m'accueillir, Godard a un regard très doux, vraiment bienveillant.»
On suppute une direction d'acteurs surréaliste, de l'ordre du crypto-divinatoire. «Godard n'explique pas les personnages, et il ne me serait pas venu à l'idée de poser des questions, mais il donne des indications très concrètes et millimétrées sur la voix notamment, le rythme, pour le ralentir principalement.»A la fin de l'interview, Zoé Bruneau en aura même la larme à l'œil :