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Libération
Critique

«Araf, quelque part entre deux»: le train-train de l’autoroute

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Deux Turcs rêvent de sortir de la routine d’une station-service.
Barış Hacıhan et Neslihan Atagül. (Photo One Filmverleih)
publié le 1er juillet 2014 à 18h06

Dans une Turquie semi-rurale bien loin d’Istanbul et de ses tremblements, là où les habitants de régions en voie de désindustrialisation observent placidement le mirage libéral du développement économique et social s’éloigner, se déploie en bordure d’une autoroute les tensions d’un triangle amoureux qui n’a rien de bizarre. A sa pointe la plus aiguë et désirante, il y a Zehra, jeune et jolie fille lunaire, qui rêve d’ailleurs chimériques depuis l’ingratitude d’un boulot de cantinière de station-service.

Autour d’elle gravitent un rutilant routier, figure opaque de mâle taiseux et appétissant, précisément parce qu’il se tait, ainsi que cet autre adolescent, Olgun, mi-frère d’adoption mi-prétendant jaloux qui n’ose se faire connaître comme tel, tandis qu’il cristallise ses dérisoires appétits de fortune sur un jeu télévisé. Entre ces trois-là, les tensions et les désirs se font peu à peu jour, tandis que la tradition guette et continue de peser de tout son poids de chape obsolète.

Il semble que araf signifie en turc quelque chose comme «purgatoire», «limbes» ou «entre-deux» : soit, ici, entre deux âges, deux hommes, entre aspirations délusoires et réalité plombée, tradition et modernité, autant dire qu'on a bien là affaire à une terre de contrastes. Décliner ainsi à l'envi, jusque dans son décor, tous les possibles métaphoriques guère minces d'un tel titre semble l'ambition cardinale de ce cinquième long métrage inodore de Yesim Ustaoglu, réalisatrice dont étaient déjà