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Talion

«Blue Ruin»: sang de cloche

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Réalisé pour une poignée de dollars, le film de Jeremy Saulnier met en scène la vendetta maladroite d’un antihéros SDF dans une Amérique de l’Est fauchée.
(Photo Scavenger)
publié le 8 juillet 2014 à 18h06

Dans l'une des premières scènes de Blue Ruin, Dwight, antihéros clochard, dort affalé à l'arrière d'une voiture, au moins aussi cabossée que lui, justifiant à elle seule le titre de «ruine bleue», expression signifiant également débâcle. Une bagnole de flics se gare, une policière en sort et lui demande de venir au commissariat. La séquence suivante place l'homme dans une salle d'interrogatoire. Mais, au lieu de la violence symbolique de la situation, évidemment liée à notre perception pour le moins négative des forces de l'ordre américaines, le ton est tout autre : la flic materne Dwight, lui parle avec une douceur inédite, le prévient de la sortie de prison de l'homme qui a bousillé sa vie en tuant ses parents quelques années plus tôt.

Vendetta. Tout Blue Ruin repose sur l'inversion d'un thème incroyablement éculé, classique autant que mythologique : la vengeance. Mais si Dwight court après le meurtrier pour faire justice lui-même, si la rage de la vendetta innerve chacune de ses actions, tout, chez lui, est minable. Sa dégaine d'abord, mais surtout sa manière de tuer, de tirer. Sa quête de revanche et son obsession du châtiment se voient en permanence altérées par son incapacité pathologique à canarder ses ennemis (la famille du meurtrier), ce qui fait de chacune des confrontations un monumental bain de sang.

Dans des terrains vagues, parkings et autres zones pourries, quelque part vers le Delaware, bien loin du fantas