C'est l'histoire d'un immense et magnifique malentendu. Quand Richard Brooks finit par convaincre la Columbia d'adapter le roman de Joseph Conrad, les financiers ont dans le rétroviseur les succès du Pont de la rivière Kwaï (1957) et de Lawrence d'Arabie (1962). Multirécompensés, les deux films de David Lean ont assuré une manne et une autorité enviées par les majors en ces temps où le grand public achète des télévisions plutôt qu'il ne se rue dans les salles.
Pour Lord Jim, même sans Lean, la Columbia pense refaire le coup de la grandeur de l'Empire britannique en Extrême-Orient. Peter O'Toole et une bonne partie de l'équipe de Lawrence sont donc au générique. Cette parenté forcée donne lieu à des instants qui frôlent le comique. Devenu une épave dans les ports d'Asie, Jim accepte les boulots les plus dégradants. Voir O'Toole le visage plongé dans la terra-cotta, les yeux bleus ourlés de mascara, tirer un rickshaw coiffé d'un chapeau de paille est à la limite de la parodie.
Seul Brooks pense y voir clair : il a passé trois ans à peaufiner le scénario. Quand arrive le tournage, en partie au Cambodge, le syndrome Apocalypse Now, également tiré d'une œuvre de Conrad, gagne l'équipe : tout coûte une fortune, les conditions sont dantesques, les acteurs obsédés par leur confort.
A sa sortie, la critique saute à pieds joints sur le film : long, ennuyeux, hésitant entre intimisme et action, O’Toole jugé à la ramasse. Les recettes s