Jeanne Balibar joue en allemand dans la Cousine Bette, une adaptation très libre du roman de Balzac par le metteur en scène Frank Castorf à la Volksbühne, à Berlin. C'est facile de l'interviewer. Il suffit de l'écouter. Chez elle, à Paris, équipée d'un crayon et d'un bloc-notes, on attrape donc ses mots au vol. Avant qu'elle-même ne s'envole.
«J’ai toujours pensé que c’était grâce aux langues étrangères que j’avais appris mon métier. J’ai été engagée à la Comédie-Française au bout de trois mois de conservatoire et si j’ai été prise sans formation, c’est qu’elle avait eu lieu antérieurement, quand je suis devenue à peu près bilingue à 16, 17 ans en allemand, puis vers 20 ans en anglais. Selon moi, c’est la même chose d’être actrice et de vivre en langue étrangère. Dans les deux cas, il s’agit de rester soi avec des mots qui ne sont pas les siens, qui ne sont pas ceux qui sortent spontanément de soi. Et surtout, dans les deux cas, c’est la même expérience radicale de liberté. Une fois qu’on y a goûté, on ne peut plus s’empêcher d’y revenir, encore et encore. Tout est permis, tout est bienvenu dans une langue étrangère. Les sens et les significations se déplacent en permanence. Les incorrections ne sont plus des fautes, les natifs redécouvrent leur langue à travers elles, on est libéré de tout contrôle et de toute appartenance sociale. On se libère même de sa propre musicalité.
«Animal sauvage». «Si on a la chance de vivre par amour