C'est l'histoire d'un homme qui a, face à lui, un train entrant en gare. La locomotive s'avance, va-t-elle l'écraser ? Depuis les débuts du cinématographe, le prestidigitateur Georges Méliès a tout fait pour participer au mouvement des images animées : achat de matériel, création d'un studio à Montreuil (Seine), implantation d'une succursale de sa société Star Film aux Etats-Unis et production à tire-larigot de saynètes à sensation. N'était son ambitieux Voyage dans la Lune, Méliès correspond au genre assez commun de l'entrepreneur opportuniste qui, sous couvert d'une étiquette «auteuriste», fait carrière sur le dos du bourgeois avide d'illusions, ravi d'être assommé par des trucages photographiques éculés. La femme disparaît ? Diantre, la voici qui revient. La gloire disparaît ? Notre Méliès, qui n'a rien produit depuis une année, se retrouve englué dans une passe d'armes juridique avec l'Américain Thomas Edison, le redoutable créateur du Kinétoscope, pour une affaire rocambolesque de brevets et de perforations, dont le résumé ne tiendrait pas dans un volume du prometteur Alain-Fournier. Autant dire que le dossier serait sans intérêt pour l'avenir du film si Méliès ne représentait malgré tout une certaine idée du cinématographe, un certain sens de l'artisanat peu à peu dévoré par les ogres des grandes structures. En France, Gaumont et Pathé, producteurs, distributeurs et exploitants, broient la profession et engloutissent tout sur leur passage, des artistes aux nou
14 août 1914
Méliès, le voyage sans la thune
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par Guillaume Tion
publié le 3 août 2014 à 18h06
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