La trajectoire qui conduisit Nuri Bilge Ceylan à recevoir, en mai dernier, la deuxième palme d’or de l’histoire du cinéma turc tient du parcours d’obstination. D’abord, parce qu’à force d’empiler les grands prix (2003 et 2011), prix de la mise en scène (2008) et autres babioles dorées (prix Fipresci 2006 et carrosse d’or 2012), il l’avait souvent effleurée, cette palme. Ensuite, parce qu’il faut reconnaître au cinéaste d’avoir su revoir sa copie adressée au jury cannois de film en film, par de nettes inflexions formelles opérées sur l’écheveau inchangé de ses préoccupations. Sans pour autant que cela n’empêche son œuvre de prêter le flanc à nombre de facilités critiques et autres clichés honteusement turcophobes - les interminables plans ensommeillés sur des visages à imposante moustache, burinés par l’âpreté de la vie dans la nuit orageuse des idées, tout ça.
Obsession. Ainsi vogue-t-il des grands espaces taiseux de film de genre absurdo-ectoplasmique d'Il était une fois en Anatolie vers l'amphithéâtre d'une comédie humaine quasi close et saturée de paroles dans Winter Sleep. Il n'apparaît pourtant en rien fortuit à ce que ce soit ce septième long métrage, dont le titre prolonge une obsession durable de la parabole climatologique, qui lui permit d'accéder enfin à la plus haute marche du palmarès cannois, tant celui-ci paraît sculpté par une ambition de film-somme, destin de chef-d'œuvre plastronné plus de trois