A Locarno, ni plus ni moins qu'en d'autres festivals de cinéma, il y a des jours comme ça où l'on a beau s'être enquillé une demi-douzaine de projections, et pourtant, le seul débat théorique qui semble valoir de s'emporter un peu porte sur un film absent du festival, voire déjà sorti en France un mois plus tôt, et vise à trancher si oui ou non Guillaume Canet y ressemble à un poisson mort. Des jours où les brèves de sorties de projection, ces aberrations désarmantes qui perlent le parler festivalier, paraissent seules à même de sauver la journée. Tel ce réalisateur : «mon film est très fragile, mais c'est aussi sa force» ; cette actrice en promo : «j'aime bien les challenges, alors je vais essayer de trouver des trucs bien à dire du projet» ; ce jeune cinéaste : «on est censés être l'avant-garde, mais l'expérience festivalière me fait me sentir un touriste retraité allemand» ; ce juré : «j'ai vu un film avec Yves Montand en chasseur de loup, ça m'a fait du bien» ; ou cette productrice : «l'argent du cinéma brésilien est gay, il sort rarement des placards».
Ces jours-là, on rumine et on s’interroge. Par exemple : ces gens qui se lèvent sèchement pour quitter la salle, après seulement trois minutes, qui sont-ils, que poursuivent-ils, quels sont leurs réseaux ? Qu'ont-ils discerné sur l'écran plus vite que tout le monde ? Il faut dire que l’on aura beaucoup vu à Locarno cette année de ces films qui ne s’employaient guère qu’à abattre