Fébrilement applaudi à Cannes puis dans d’autres festivals et hommages un peu partout dans le monde, le septième long métrage d’Alejandro Jodorowsky se confond complètement avec son auteur. D’abord parce qu’il s’agit d’une autobiographie, mais aussi parce qu’il apporte une démonstration que l’aspiration à la liberté artistique ne s’émousse pas avec l’âge. Et le public ne s’est pas trompé en adressant, autant au film qu’au cinéaste, une puissante et planétaire ovation.
A 85 ans, Alejandro Jodorowsky jouit d'un statut singulier, sans grand équivalent dans le panorama cinéphilique actuel. Il fait ici sa Nathalie Sarraute, imbriquant dans sa narration des réflexions très semblables à celles qui enclenchaient l'Enfance de la romancière, elle-même alors octogénaire : «Alors, tu vas vraiment faire ça ? […] Tu veux évoquer tes souvenirs… Il n'y a pas à tortiller, c'est bien ça.» Jodo est donc retourné dans sa ville natale, Tocopilla au Chili, et il y a tourné, dérivant sur ses souvenirs, accolant des faits (un père autoritaire, communiste tendance stal) à des détails filmiques. Entre autres, la mère (hystérique) qui ne parle pas mais chante en permanence des arias de cantatrice. Jodorowsky s'amuse, il installe une bande de manchots et de culs-de-jatte antisémites dans une ruelle crade, dépose un clochard céleste sur un ponton. Des sardines descendent du ciel, un cirque itinérant se parfume d'angoisse. Mais dans cet ensemble de saynètes mémorielles et felliniennes (<