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Libération
Critique

«Léviathan», la maison ôtée

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La société russe, monstre tentaculaire, gangrenée par la corruption et l’arbitraire.
Le garagiste Kolia et sa femme menacés d'expropriation. (Photo Anna Marveeva)
publié le 23 septembre 2014 à 17h06

En 2009, avec A Serious Man, les frères Coen racontaient comment l'existence d'un prof de physique, Larry Gopnik, partait en morceaux comme s'il était victime d'une punition divine. Il cherchait en vain à connaître le fin mot de son destin navrant, en multipliant les rendez-vous avec des rabbins plus énigmatiques les uns que les autres.

On peut voir Léviathan comme une réponse russe et solennelle à l'humour noir américain des Coen, les deux films pratiquant une relecture moderne du «Livre de Job». Dans le récit de l'Ancien Testament, Job, le riche et pieux marchand, est dépossédé de ses biens, frappé par la maladie mais toujours il refuse de maudire le nom de Dieu. Satan est le déviateur qui donne une orientation catastrophique à cette existence autrefois confortable et pleine de promesses, il introduit du désordre et du trouble, déliant par exemple les bonnes actions des justes récompenses.

Nabot. Ici, Job est garagiste, il s'appelle Kolia. Individu sanguin et pas très sympathique, il vit dans une belle maison en bois dans un petit port sur la mer de Barents, au nord-ouest de la Russie, avec son fils, Roma, issu d'un premier mariage, et sa jeune femme, Lilia. D'entrée, ils sont rejoints par Dmitri, un avocat venu tout spécialement de Moscou, ami de jeunesse de Kolia. On comprend que ce dernier lutte pour éviter q