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Libération
Critique

Sciamma et les affranchies de la cité

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La réalisatrice suit le parcours houleux de quatre ados dans un film trépidant d’énergie et de rage.
"Bande de filles " de Céline Sciamma (Photo Hold-Up Films)
publié le 17 octobre 2014 à 20h06

L'ouverture de Bande de filles est la symphonie d'un autre monde. Quelques balèzes rembourrés, cadrés en plein match de football américain. Il est vite évident que ces costauds s'empoignant sévère sont des filles. Il est assez visible que, pour la plupart, elles sont jeunes et noires. Vestiaires, douche, sortie du stade de foot et une fois tombé l'uniforme du sport, retour à une sorte de vie civile. Qui n'empêche par l'esprit d'équipe de durer, à l'œil (bousculade et bourrades) et surtout au son : une joyeuse cacophonie qui hésite entre la nichée de chiots à l'heure de la pâté et l'escadrille de mouettes (rieuses) fondant sur un banc d'anchois. C'est une bande en effet, mais surtout une bande-son. Qui peu à peu baisse en intensité, et finalement s'éteint par disparition progressive des choristes de la déconne au fur et à mesure qu'elles désertent le groupe pour rejoindre en silence et en solitaire les pénates de leur cité de banlieue où règnent, crépusculaires et inquiétantes, des silhouettes masculines.

Dalle. Un retour au réel qui a tout l'air, littéralement, d'un black-out. Cette façon de disloquer un groupe est aussi une façon de distinguer un personnage : la jeune Marieme dont le destin semble scellé ; lycéenne en échec, maman d'occase pour ses deux jeunes frangines, à porté de baffes d'un grand frère qui estime qu'une fille qui aurait le moindre désir est forcément une pute. Par une sorte de mouvement de houle, Marieme ains