Ce sont des bunkers sur deux pattes, montagnes de muscles, cous épais comme des séquoias, bras larges comme des autoroutes, capables d’une pichenette de vous catapulter à 20 mètres, et tatouages qui vous promettent l’enfer si vous vous approchez trop près. Mais, quand passent les fantômes, ces colosses s’effondrent en pleurant. Ces spectres qui les hantent, ils les ont ramenés d’Irak ou d’Afghanistan.
Biceps. Sur le papier, la guerre est bien finie, ils en sont sortis vivants et sont de retour à la maison Amérique. En principe, tout va bien. D'ailleurs, le psychiatre militaire, qui a examiné les jeunes marines et GI à leur retour, n'a rien décelé. Mais, dans la réalité, tel un monstre enfoui dans les profondeurs, la guerre est diablement là. Elle infiltre les consciences et les mémoires au point de faire partie désormais de leur identité.
Il suffit d'un bruit particulier, d'une réflexion, d'un mot de trop, parfois d'un regard mal interprété pour que surgisse la panique et que la guerre revienne sous la forme d'une lame de violence d'une brutalité telle qu'elle n'épargne personne, ni leurs potes, ni leurs compagnes, ni leurs propres enfants. De 2008 à 2013, Laurent Bécue-Renard a suivi douze jeunes soldats de retour du front, partageant leur intimité, et, ayant gagné leur confiance, il a accompagné pendant un an leur quotidien dans un centre thérapeutique californien, le Pathway Home. «J'ai trop peur d'aller au fond de moi, de ne rien p