Mathieu Amalric («Tournée», «la Chambre bleue»…)
«Des films qui transmettent une force morale»
«J’ai toujours été bouleversé par sa manière de filmer les hommes, notamment John Wayne à travers son vieillissement, mais surtout Henry Fonda. On ressent dans ses images l’acceptation d’une part d’eux-mêmes qui demeure invisible, presque interdite chez les autres. Pas la part féminine, parce que ça ne veut rien dire, mais la part sensible des hommes.
«Pour moi, Ford est presque aussi important et bouleversant par ses films qu'assis en tailleur sur son lit, à la fin de sa vie, en 1965, dans le documentaire d'André S. Labarthe. Quand je le vois, je ne sais pas comment ce type s'est débrouillé pour ne s'être jamais soucié des mots "arts", "artiste" ou "auteur", toutes ces idées qu'on lui a infligées sur le tard, et avoir pourtant fait passer des choses si intimes, si complexes en pensant juste au film d'après. Il y a aussi l'impossibilité qu'il exprime, dans le portrait que lui a consacré Peter Bogdanovich [Directed by John Ford, ndlr], à mettre des mots sur une telle sensibilité. Ça, c'est quelque chose qui me porte tout le temps, comme une boîte à outils.
«Et puis il y a cette force morale que ses films nous transmettent… Par exemple, simplement tout à l'heure, je reçois un appel du lycée qui me dit que mon fils s'est joint ce matin à une bande autour d'une bouteille de whisky et que l'un des gamins a fini à l'hôpital. J'avais Ford en tête parce que vous m'aviez demandé d'y réfléchir, et ça m'a vraiment aidé. Quand on m'annonce ça, et que mon fils me dit : "J'ai b