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Libération
Interview

«Ne pas m’engouffrer dans les clichés»

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Le cinéaste mauritanien Abderrahmane Sissako, 53 ans, évoque son approche du cinéma et sa volonté de déjouer les préjugés sur l’islam :
publié le 9 décembre 2014 à 17h46

Né en 1961 à Kiffa (Mauritanie), Abderrahmane Sissako a grandi au Mali avant d'étudier à Moscou. Il s'est lancé dans le cinéma avec un court métrage, Octobre, en 1993. Timbuktu est son quatrième long métrage.

Quand vous débarquez à l’école de cinéma à Moscou à 21 ans, vous n’avez aucune culture cinéphile ?

A part les trois Trinita [westerns avec Terence Hill et Bud Spencer, ndlr], j'avais vu les Sept Gladiateurs et le Kid de Chaplin (séance où il s'était endormi). Ma «cinéphilie» s'est terminée, avant que je parte à Moscou, par le Pull-Over rouge, l'histoire de Christian Ranucci, vu à Nouakchott, au cinéma Oasis.

Vous n’étiez pas au point ?

Pas du tout. Au concours d’entrée pour les étrangers, chacun attendait son tour - des Latinos, des Afghans, des Vietnamiens, des Arabes, c’était l’époque de «l’amitié des peuples», c’était beau -, et certains récitaient des poèmes, d’autres avaient une guitare… J’étais perdu : il fallait être artiste ? Je ne l’étais pas. Je n’avais jamais entendu parler de Truffaut, ni de Bergman, ni d’Antonioni… Je n’avais connaissance ni de la peinture ni de la musique classiques. Notre vie, ce n’était pas les livres ou les musées. J’avais envie de dire : «Je ne connais pas Bach, mais Oum Kalthoum et Dimi Mint Abba, une Mauritanienne, ma plus grande chanteuse, qui m’a bercé !»

Ils vous ont pris quand même…

Oui, et cela montre qu’on peut arriver à un métier sans passer par la passion du métier. Je n’étais pas dans la cinéphilie, et ça continue : je reste pas cinéphile du tout. Cela dit, l’école du cinéma m’a énormément enrichi avec le néor