Pour nous donner Timbuktu, une fiction magnifique, Abderrahmane Sissako s'est voulu fidèle au précepte appris d'Aimé Césaire : «C'est en partant du particulier qu'on atteint l'universel», explique-t-il. Le cinéaste avait été révolté par la lapidation à mort, en 2012, à Aguelhok, au Mali, d'un couple dont le seul tort consistait à ne pas s'être mariés devant Dieu. Il en ressort, après avoir calmé sa colère et son dégoût, avec une œuvre où la beauté de la forme - lumière impeccable, plans au formalisme abouti - épouse la pertinence du fond, très loin du manichéisme et de la caricature qui s'emparent des esprits occidentaux dès lors que s'agite le thème du jihad.
S'affichant comme «passeur d'une conscience collective révoltée», Sissako a voulu rétablir un équilibre : les victimes de l'islamisme, ce sont d'abord les populations locales. Et où mieux qu'à Tombouctou, «prise en otage» en 2012 par les jihadistes, pouvait-il raconter cela ? «Gao a été occupé, Kidal a été occupé, mais le film s'appelle Timbuktu. Une ville mythique et millénaire, d'échanges et de rencontres, qui contient des valeurs architecturales, des manuscrits, à l'équivalent des bouddhas géants d'Afghanistan. A Tombouctou, les valeurs de l'humanité étaient en danger, c'est ce qu'il fallait dire», raconte Sissako.
Absurde. Le film suit une famille de Touaregs qui n'aspirent qu'à une vie paisible avec leurs vaches. Mais l'une d'elle, a