Contingence du calendrier festivalier, la rencontre se déroule dans un hall d'hôtel au Portugal. Non loin de Lisbonne, Abel Ferrara présente sa dernière réalisation, splendide et au titre translucide, Pasolini. Et en ce festival international du film d'Estoril, comme auparavant à ceux de New York ou de Toronto, le cinéaste new-yorkais préfère le «nous» au «je» pour décrire le geste qui a donné ses contours à son nouveau film.
Ce tic de langage, nouvelle tocade d'une parole plus perlée que jamais de «you know» et autre «you dig ?» (tu piges ?) éructés de sa fameuse voix étranglée, n'est pas sans raison. Pasolini apparaît en effet autant l'œuvre du cinéaste que celle d'un «nous» qui englobe son acteur principal, Willem Dafoe, époustouflant dans le rôle-titre du film. A vrai dire, Ferrara est formel: aujourd'hui, Dafoe est pour lui «The Actor».
Willem Dafoe dans le rôle-titre de «Pasolini» d’Abel Ferrara.
Aussi calme, doux et articulé que son complice paraît hystérique en toutes choses, Dafoe, né il y a 59 ans dans le Wisconsin, et marié depuis 2005 à l’actrice et réalisatrice italienne Giada Colagrande, y réside aussi, à temps partiel, entre deux séjours à New York et Los Angeles où s’ancre pour le reste une vie que l’on dit structurée à l’extrême par les séances de yoga.
En entretien, ils campent le plus affûté des tandems acteur-réalisateur que l'on ait croisé depuis la désopilante tournée promotionnelle de David Cronenberg et Viggo Mortensen