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Rencontre

Willem Dafoe-Abel Ferrara, hydre de désirs

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Avec «Pasolini» qui sort demain, l’acteur abonné aux rôles de «bad guy» et le cinéaste accro à l’eau gazeuse signent leur quatrième collaboration commune. Qui prend des allures d’incantation fusionnelle.
En entretien, ils campent le plus affûté des tandems acteur-réalisateur que l’on ait croisé depuis la désopilante tournée promo de David Cronenberg et Viggo Mortensen à la sortie des «Promesses de l’ombre» (Photos Todd Cole. Bruno Charoy)
par Julien Gester, Envoyé spécial à Estoril (Portugal)
publié le 30 décembre 2014 à 12h28

Contingence du calendrier festivalier, la rencontre se déroule dans un hall d'hôtel au Portugal. Non loin de Lisbonne, Abel Ferrara présente sa dernière réalisation, splendide et au titre translucide, Pasolini. Et en ce festival international du film d'Estoril, comme auparavant à ceux de New York ou de Toronto, le cinéaste new-yorkais préfère le «nous» au «je» pour décrire le geste qui a donné ses contours à son nouveau film.

Ce tic de langage, nouvelle tocade d'une parole plus perlée que jamais de «you know» et autre «you dig ?» (tu piges ?) éructés de sa fameuse voix étranglée, n'est pas sans raison. Pasolini apparaît en effet autant l'œuvre du cinéaste que celle d'un «nous» qui englobe son acteur principal, Willem Dafoe, époustouflant dans le rôle-titre du film. A vrai dire, Ferrara est formel: aujourd'hui, Dafoe est pour lui «The Actor».

Willem Dafoe dans le rôle-titre de «Pasolini» d’Abel Ferrara.

En lui, il a trouvé un peu plus qu’un alter ego ou un ami: son comparse, interlocuteur et partenaire créatif privilégié. Les deux hommes ne manquent pas de préoccupations communes, et ils se croisent souvent à Rome, où Ferrara, 63 ans et une trentaine de films au compteur, a désormais installé une nouvelle vie de méditation, de prosélytisme bouddhique et de consommation junkie d’eau gazeuse.

Aussi calme, doux et articulé que son complice paraît hystérique en toutes choses, Dafoe, né il y a 59 ans dans le Wisconsin, et marié depuis 2005 à l’actrice et réalisatrice italienne Giada Colagrande, y réside aussi, à temps partiel, entre deux séjours à New York et Los Angeles où s’ancre pour le reste une vie que l’on dit structurée à l’extrême par les séances de yoga.

En entretien, ils campent le plus affûté des tandems acteur-réalisateur que l'on ait croisé depuis la désopilante tournée promotionnelle de David Cronenberg et Viggo Mortensen