S’il est un sujet contemporain qui se hisse à hauteur de nos mythologies fondatrices, c’est sûrement celui du voyage entrepris par les migrants du monde entier dans l’espoir de rejoindre l’Europe. L’actualité prenant quotidiennement en charge cette histoire - récemment, des cargos fantômes bourrés de migrants dérivant sur la Méditerranée ont déployé une horreur qui dépassait l’imagination - se pose la question, pour la création, des manières de rendre justice au réel.
Pour sa première fiction, Hope, le documentariste français Boris Lojkine a choisi de s'attaquer à la migration de clandestins africains. La nouveauté du film, c'est le choix de montrer, avec une méticulosité toute documentaire et des acteurs non professionnels recrutés in situ, les «ghettos» méconnus qui émaillent la dernière phase de l'exode des migrants, en Algérie et au Maroc. Ces lieux exigus regroupent, par nationalités, des populations vulnérables qui se retrouvent sous la coupe d'un «chairman» exerçant racket, prostitution et violences diverses. L'attention portée à l'organisation de ces microcosmes, excroissances monstrueuses de la mondialisation, et au parler que l'on y pratique, à la violence des transactions qui y ont cours, est le point saillant de Hope.
Là où le bât blesse, c'est l'intrigue, qui suit les déboires de deux galériens, la Nigériane Hope (Endurance Newton) et le Camerounais Léonard (Justin Wang, formidable de sensibilité butée). Le film s'ouvre alors qu'ils sont dans le Sahara, et les cinq premières minutes, où se déroule un viol hors champ dont la brièveté n'enlève rien au caractère insoutenable, donnent le ton : ces héros sans passé sont avant tout des victimes. Ces deux-là vont s'accrocher l'un à l'autre, puis s'attacher. Que comptent-ils faire en Europe ? Léonard aimerait «reprendre des études», Hope déclare que sa vie «est entre les mains de Dieu». On n'en saura pas plus, les deux finissant par donner l'impression d'être promenés de calamité en calamité pour l'édification du public bien plus que pour donner chair à des parcours singuliers. L'on finit par ne plus trop savoir pourquoi ils ne sont pas restés chez eux, ce qui n'était sans doute pas l'objectif recherché.