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Libération
Séance tenante

William Friedkin: «Susan Hayward est la femme la plus sexy jamais imprimée sur pellicule»

Séance tenante avec William Friedkin.
publié le 27 janvier 2015 à 17h06

L'auteur de French Connection et de l'Exorciste publie à 79 ans de passionnants mémoires, Friedkin Connection (La Martinière). Il travaille aujourd'hui à adapter deux de ses films en séries, en attendant la ressortie en France l'été prochain, de son chef-d'œuvre le Convoi de la peur.

La première image ?

Je suis vieux de quelques semaines à peine, et ma mère me pousse dans un landau, sous une marquise de verre éclairée, une vision qui a laissé en moi une impression très forte. Je m'en suis souvenu il y a une quarantaine d'années en voyant une marquise similaire dans le Dernier Tango à Paris. Et, quoiqu'elles soient rares aux Etats-Unis, j'en ai retrouvé une semblable au Metropolitan Museum, à New York. Chaque fois que j'y passe, je suis renvoyé à ce souvenir enfantin, d'un âge où je n'étais pas en mesure de comprendre quoi que ce soit à ce que je voyais.

Dernier film vu ?

Mister Babadook, que j'ai présenté hier soir [en décembre, ndlr] dans un cinéma de Los Angeles. C'est réalisé par une jeune Australienne, et c'est l'un des meilleurs films d'horreur que j'ai vus.

Le film que vos parents vous ont empêché de voir ?

Aucun. A l’époque, on n’envisageait pas qu’un film ne s’adresse pas à toute la famille.

Qu’est-ce qui vous fait détourner les yeux de l’écran ?

Rien !

Un rêve qui pourrait être un début de scénario…

Je fais ce rêve récurrent sans me l’expliquer : je suis dans un motel, avec une femme que je ne connais pas, et alors que nous avons fini de copuler, nous découvrons un corps sous le lit.

Le psychopathe de cinéma dont vous vous sentez le plus proche ?

Me sentir proche, je crois que c’est impossible, même si j’ai toujours beaucoup aimé ces personnages… Quand j’étais enfant, à Chicago, mon oncle flic m’a fait visiter un commissariat, et je me rappelle m’être dit alors que je ne voudrai surtout jamais commettre quoi que ce soit qui me fasse me retrouver en cellule. C’est quelque chose qui structure très fortement mes représentations morales, comme une foi. Je pense qu’à l’inverse, un psychopathe n’a lui pas peur d’être pris.

Que faites-vous pendant les bandes-annonces ?

Je les regarde, elles m’intéressent beaucoup. J’aime la manière dont elles sont montées.

Dans la salle, une place favorite ? Un rituel ?

Toujours au dernier rang. Je veux tout voir.

Avec quel personnage aimeriez-vous coucher ?

Susan Hayward est pour moi la femme la plus sexy jamais imprimée sur pellicule. Dans n'importe lequel de ses rôles, même quand elle jouait une meurtrière, dans Je veux vivre !, en 1958.

Pour ou contre la 3D ?

Je trouve la 3D extrêmement déconcentrante, redondante, inutile. Tout art visuel, qu’il s’agisse de peinture ou de cinéma, consiste à offrir l’illusion du volume à l’intérieur d’un canevas 2D. Aucun des grands films que j’ai pu voir dans ma vie n’était en 3D, mais ils comportent toujours cette puissance essentielle du cinéma : l’illusion de la profondeur.

Le hors-champ, ça vous travaille ?

Face à des chefs-d'œuvre comme Psychose ou les Diaboliques, forcément. Mais aussi quand un film ne parvient pas à saisir mon attention, il m'arrive en effet de me demander ce que pouvait bien faire l'équipe du film au moment où se tournait le résultat merdique à l'écran.

La séquence qui vous a empêché de dormir ?

Toutes les scènes les plus bruyantes d'Avatar.

Ce film que personne n’a vu et que vous tenez pour un chef-d’œuvre…

Les Mains qui tuent, l'un des films préférés de Harold Pinter, qui m'y a initié.

Le cinéaste dont vous n’oserez jamais dire du mal ?

Michelangelo Antonioni.

Le cinéaste dont vous osez dire du bien ?

Hubert Cornfield, un type dont personne ne se souvient, pourtant auteur dans les années 60 de films noirs extraordinaires qui avaient la force visuelle des premiers Orson Welles.

Le cinéma disparaît à jamais. Une épitaphe ?

«C'était la grande forme d'art du XXe siècle, la plus pertinente, la plus inventive, la plus surprenante. Celle aussi qui laissa les souvenirs les plus durables du temps de son existence.»

La dernière image ?

Anthony Perkins dans Psychose, assis seul dans la cellule où il finira ses jours, et la dernière vision de son visage est un sourire, un sourire démoniaque.