La première image ?
Dumbo, au cinéma, je devais avoir 3 ou 4 ans. Dans la tradition familiale, on était au balcon, il a fallu me retenir parce que je voulais aller rejoindre l'écran.
Dernier film vu ? C’était comment ?
Saint Laurent de Bertrand Bonello en DVD, seule. J'ai trouvé ça magnifique : ce sont des années que j'ai traversées et j'ai retrouvé cette luxuriance qui a disparu, des gens que j'avais croisés. Je me suis replongée dans le Palace…
Le film que vos parents vous ont empêché de voir ?
Aucun.
Qu’est-ce qui vous fait détourner les yeux de l’écran ?
Je ne vais voir ni les monstres ni la science-fiction.
Le monstre ou le psychopathe de cinéma dont vous vous sentez le plus proche ?
(Rires) Anthony Perkins dans Psychose : ce qui est intéressant, c'est que la monstruosité ne soit pas apparente, c'est troublant. Mais le Silence des agneaux ou Shining, je ne supporte pas, ça me met mal à l'aise.
Que faites-vous pendant les bandes-annonces ?
Je suis ravie. Cela crée du désir de voir ou cela me conforte dans l’idée de ne pas voir.
Dans la salle, une place favorite ? Un rituel ?
Cela change : pendant mon époque de cinémathèque forcenée, c’était le cinquième rang. Maintenant, je me mets loin. Avant, on voulait être «à l’intérieur» des films, tout près. Je ne ressens plus cette proximité.
Avec quel personnage aimeriez-vous coucher ?
Plein ! Dans l'adaptation du roman de Somerset Maugham, le Fil du rasoir (d'Edmund Goulding), Tyrone Power a une vraie modernité, à la fois physique et dans son jeu. Avec Depardieu, on est à chaque fois surpris. Il y a pas mal d'acteurs qui déclenchent des choses, pas forcément sexuelles : Kristen Stewart est formidable dans Sils Maria d'Olivier Assayas, on retrouve quelque chose au-delà du jeu appliqué, qui tient du miracle. Une hyper-sophistication comme celle de Jules Berry ou Pauline Carton, qui paraît très théâtralisée.
Pour ou contre la 3D ?
Plutôt contre, je ne suis pas convaincue.
La séquence qui vous a empêché de dormir ou de manger ?
(Rires) Ce sont plutôt des choses qui vous poursuivent, comme à la fin des Contes de la lune vague après la pluie de Kenji Mizoguchi : le couple âgé se réduit en cendres. Je devais avoir 14-15 ans, c'est une image qui ne m'a jamais quittée.
Le gag ultime ?
Il y en a plein, je suis une adoratrice de Buster Keaton, qui fait preuve d’une invention permanente.
Ce film que personne n’a vu et que vous tenez pour un chef-d’œuvre ?
Au moment de la rétrospective Guy Gilles à la Cinémathèque française, je me suis demandée ce qu'on avait sous-estimé au moment de la sortie de ses films. Il n'était pas dans l'axe de célébration des Cahiers du cinéma, même si on était dans une époque très radicale. Je me suis dit qu'on n'avait pas été généreux à ce moment-là. C'est dommage.
Le cinéaste dont vous n’oserez jamais dire du mal ?
En général, je n’aime pas trop dire de mal, c’est un tel boulot de faire un film…
Le cinéaste dont vous osez dire du bien ?
Le Britannique Andrew Kötting dont j'adore Gallivant (1996), un voyage autour de l'Angleterre avec sa fille et sa grand-mère.
Le cinéma disparaît à tout jamais. Une épitaphe.
Je ne vois pas pourquoi il disparaîtrait ! On ne va pas jeter ça à la poubelle.
La dernière image ?
Bergman, Cris et chuchotements.