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Libération
Cannes

Témoin gêné à «l’étage du dessous»

Retour à froid sur un crime conjugal par le discret cinéaste roumain Radu Muntean.
Teodor Corban, quidam mutique dans «L’étage du dessous». (Photo DR)
publié le 15 mai 2015 à 18h16

En Roumanie, on achève bien les voisins et les épouses sans que personne n'y trouve, semble-t-il, rien à redire. Voici en filigrane les prémices de l'Etage du dessous, inspiré d'un fait divers. En allant promener son chien, un certain Patrascu, quinqua débonnaire, est témoin malgré lui d'une dispute conjugale qui dégénère - suppute-t-on - en meurtre : celui de sa jeune voisine par son amant, Vali, un troisième voisin (vous suivez ?). Une fois le train-train quotidien de la copropriété remis de la mort violente et non élucidée de la jeune femme, le patriarche ventripotent Patrascu continue comme si de rien n'était à faire tourner les affaires de sa société d'immatriculation de voitures - gag totalement opaque sur les affres de la bureaucratie roumaine - jusqu'à être gagné par la culpabilité.

Radu Muntean évolue depuis une dizaine d'années en sourdine dans le sillage de ce que l'on a baptisé «nouvelle vague roumaine», également représentée cette année par son compatriote Corneliu Porumboiu (Comoara). Le cinéaste de Bucarest concourrait déjà en 2010 à Cannes avec Mardi, après noël, tour de force tranquille actant en quelques plans-séquences la dégradation d'un couple. Déployé selon le même principe à combustion lente, ce polar placide tourné cette fois en plans fixes renvoie le crime au hors-champ et suit sans effusions la ronde de ce quidam mutique interprété par Teodor Corban, s'acheminant tranquillement vers son paroxysme. Conçu dans l'évitement des arcs narratifs les plus logiques (Patrascu doit-il, va-t-il dénoncer le principal suspect, Vali, le jeune voisin ?), le scénario opte pour un louable refus de toute psychologie ostentatoire, propice à l'enlisement dans un pénible dilemme moral ou règlement de comptes à l'emporte-pièce. A renvoyer systématiquement personnages et mise en scène à leur quant-à-soi, le film se mure peu à peu dans une réserve ingrate que renforce sa conclusion énoncée du bout des lèvres.