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Libération
Cannes

«Alias Maria» : Dans la famille Farc, les enfants martyrs

José Luis Rugeles Gracia dépeint avec maîtrise le cauchemar du quotidien de la guérilla en Colombie.
Karen Torres, 13 ans. (Photo Spohie Dulac)
publié le 19 mai 2015 à 20h16

Langes et mitraillettes ne font a priori pas bon ménage, exception faite des familles dysfonctionnelles de mafieux siciliens et, comme c’est le cas ici, de la guérilla Farc où, entre deux prises d’otages et règlements de compte paramilitaires, on enterre des fœtus et on transbahute des nourrissons en pleine forêt. Aux femmes enrôlées, souvent de force, on impose contraceptifs et avortements dans des conditions plus que douteuses.

Aux côtés d'El Abrazo de la Serpiente de Circo Guerra et la Terre et l'Ombre de César Acevedo, ce second film de José Luis Rugeles Gracia, auteur en 2010 de Garcia, signe un retour en grâce au Festival du cinéma colombien longtemps relégué à l'arrière-plan, derrière les chevaux de course du cinéma latino que sont l'Argentine et le Mexique.

Maria (Karen Torres, elle-même fille d’ancien farquiste exfiltré) a 13 ans mais en paraît 20, et on la suppose kidnappée ou élevée dans le giron de guérilleros. Les militaires engrossant leurs soldates à la chaîne, elle se voit confier la charge avec un groupe de combattants, d’aller remettre le bâtard d’un officier gradé en lieu sûr, étant elle-même enceinte d’un autre.

L'errance dans la jungle de cette captive bardée de munitions exemplifie, sans recours à une rhétorique laborieuse, la cause des enfants soldats dont le destin est résumé ainsi par l'un d'eux : «Avec autant de gifles, qui peut apprendre ?»

Loin d'égaler en virtuosité l'enlisement du Che de Steven Soderbergh, Rugeles conduit sans sombrer dans l'épais film-dossier mais avec maîtrise, cette déambulation solitaire, celle d'un «regard silencieux» posé sur le monde, écrit le cinéaste en note d'intention. Lequel a rappelé en introduction de séance que «la Colombie étant en guerre depuis presque cinquante ans, il est temps que cela cesse».