Valeur sûre du cinéma travailliste outre-Manche, Stephen Frears (My Beautiful Laundrette), après avoir réglé son compte à la reine Elizabeth dans The Queen, s'attaque dans ce biopic à la bête noire du cyclisme mondial, le golden boy déchu Lance Armstrong. Pour rappel, le coureur américain vendit son âme pour de l'EPO, hormone administrée par Michele Ferrari (Guillaume Canet, méconnaissable), redoutable Dr Frankenstein du dopage italien. Ce dernier avait pour habitude de concocter aux cyclistes un «programme», sorte d'ordonnance toxique de décoctions variées, assorties de transfusions pour passer entre les gouttes de la fédération. Indétectable dans le sang, l'EPO assurait, par une augmentation des globules rouges, une meilleure absorption de l'oxygène par le corps. Le film montre bien comment Armstrong, enchaînant les maillots jaunes à partir de 1999, s'est façonné une nouvelle corpulence véloce, faisant de son corps un véritable projet expérimental. Ex-cancéreux, ce dernier a aussi écrit le récit de sa rédemption à travers sa fondation, LiveStrong (déclinée en vilains bracelets jaunes). Le film reconstitue le contrechamp que la télé n'a jamais pu filmer : des athlètes corrompus, aiguilles plantées dans le bras, sous perfusions, délaissant l'effort sudatif pour le réconfort de salles de shoot improvisées dans des caravanes.
Pour jouer cette insondable machine obsédée par la gloire, Stephen Frears a choisi un relatif inconnu, l’Américain Ben Foster, second couteau aperçu dans X-Men. Le scénario, riche en témoignages de sportifs, met en parallèle l’ascension du champion et le regard suspicieux du journaliste irlandais David Walsh (Chris O’Dowd), résigné à couvrir un sport où tous les dés sont pipés, dans l’omertà générale. Fiction de facture relativement classique dont chacun connaît l’issue, The Program est au moins fascinant pour sa peinture de la fabrique méticuleuse et aveugle d’un surhomme doublé d’un faussaire, suivie de sa chute.