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Libération
Disparition

Holly Woodlawn, mort d'une icône warholienne

L'actrice transgenre, célébrée par Lou Reed dans la chanson «Walk on the Wild Side», est morte dimanche à 69 ans.
Holly Woodlawn, en décembre 2011 à Miami. (Photo Marc Serota. Getty Images. AFP)
publié le 7 décembre 2015 à 17h50

Holly Woodlawn est morte dimanche à Los Angeles, dans les bras de l'acteur Joe Dallessandro, avec qui elle avait été à l'affiche du film underground Trash en 1970. A 69 ans, elle était relativement inconnue mais elle était mentionnée dans l'un des plus grands tubes rock, Walk on the Wild Side, Lou Reed chantant en 1972 les premiers vers à son sujet : «Holly came from Miami, FLA / Hitchhiked her way across the USA / Plucked her eyebrows on the way / Shaved her legs and then he was a she.»

Cette méconnaissance ne l'avait pas non plus empêchée d'être une superstar. Au sens warholien du terme. Elle était née garçon, du nom de Haroldo Danhakl, en 1946 à Puerto Rico, et avait grandi à Miami. Adolescente, elle fait son coming-out transgenre, prend le nom de Holly Woodlawn, empruntant le prénom à Holly Golightly, héroïne de Diamants sur canapé, jouant avec la sonorité «hollywoodienne» de son nouveau nom, faisant également croire qu'elle était l'héritière du Woodlawn Cemetery, équivalent new-yorkais du Père-Lachaise en termes de notoriété.

A 15 ans, elle quitte la Floride et atterrit à New York où, dans les immeubles crasseux et les bars pré-Stonewall, elle rencontre une famille artistique, avant-gardiste, cradingue, poseuse, droguée et libre sexuellement. Et en particulier Candy Darling et Jackie Curtis, deux autres apparitions de la Factory warholienne, avec qui elle partageait, en plus du goût du speed et du mascara, une mention dans la chanson de Lou Reed et l'identité transgenre. C'est avec elles qu'elle apparaîtra dans Women in Revolt, hilarante satire des mouvements féministes.

Caméra hésitante et budget ridicule n'enlevaient rien au piquant de Woodlawn, comme dans Trash où, lors d'une engueulade avec le bellâtre Dallesandro, elle faisait tomber un coussin dissimulé sur son ventre pour feindre une grossesse. Ce talent comique fut remarqué par George Cukor qui lança (sans succès) une pétition pour qu'elle soit nommée aux oscars. L'hommage a dû d'autant plus toucher Holly Woodlawn qu'elle et ses amies passaient des heures à imiter les stars telles qu'elles étaient mises en scène dans les films de l'âge d'or d'Hollywood. Un exemple de cet esprit «camp» et de cette folie est visible dans l'interview ci-dessous où Woodlawn parle de cinéma, prend des poses affectées et parle de partouzes avec un humour fou. A la question «Pensez-vous que l'armée soit discriminante avec les transsexuels ?», elle répond : «Dieu merci qu'ils le font, sinon je serais en train de me battre au Vietnam.»

Suivirent d'autres films, moins fameux, un déménagement en Californie, encore de la drogue, des démêlés judiciaires, un retour en Floride, des boulots de serveuse, une autobiographie (A Low Life in High Heels – «Une vie pourrie en talons hauts»). Et l'image, furieuse et touchante, d'une figure incroyablement glamour.