Menu
Libération
Labyrinthe

«La Chambre interdite», champ de mânes

Guy Maddin ressuscite l’esprit de films perdus pour un patchwork onirique à l’esthétisme suranné.
Mathieu Amalric et Amira Casar. (Photo ED Dist.)
publié le 15 décembre 2015 à 18h16
(mis à jour le 15 décembre 2015 à 18h26)

Après qu'un quinqua en peignoir nous a initiés aux joies de la baignade, le film plonge dans les entrailles d'un sous-marin dont l'équipage en manque d'oxygène mange des galettes contenant des poches d'air et où «un forestier qu'ils n'avaient jamais vu apparaît mystérieusement à bord», explique un carton. L'homme a le teint verdâtre et des feuilles collées sur le visage. Il ressemble au cinéma fantôme que cherchent à ressusciter Guy Maddin et son comparse Evan Johnson dans cette Chambre interdite, autant chambre d'impression que labyrinthe à rêves.

En 2012, le Canadien - dont les pellicules grattées aux couleurs saturées avaient fait la fortune esthétique dans les années 90 - organisait au centre Pompidou des «séances» de spiritisme pour faire revivre l'âme des films oubliés, disparus, mort-nés. «Il est facile de rapprocher ces travaux perdus, dont les seules traces restantes sont quelques photos de tournage ou autres critiques dans Variety, à des esprits errants qui resteraient nous hanter», explique Maddin dans le dossier de presse.

A partir de vieux titres ou de bribes de scripts, un quarteron d'acteurs français (Amalric, Nolot, Haenel…) puis canadien s'est englouti dans des histoires visuellement folles, à la tonalité surréaliste et au genre aventureux. Le résultat est un cinéma cannibale qui se mange autant qu'il se vomit, un patchwork de 18 courts métrages cousus entre eux par un souvenir de pellicule. Loups rouges retenant une prisonnière dans une grotte, femmes squelettes montant des arnaques à l'assurance, anniversaire meurtrier, derrière obsédant et diplomate perturbé par Janus… cette Chambre interdite cache un organe en surchauffe du corps cinéma sondé à la caméra chirurgicale.