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Libération

Depardieu par la bande : Sylvie Testud

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Publié le 05/01/2016 à 19h21

Sylvie Testud

Sa partenaire dans «la Môme» (2007) et «Aime ton père» (2001)

«J'étais amie avec Guillaume [Depardieu, ndlr], on avait 22 ans tous les deux, on était (très) dissipés, et sur ce tournage d'un film très oubliable, on avait (un peu) les jetons que Gérard nous crie dessus. Or, pas du tout. Qu'on fasse la fête toute la nuit, il le comprenait tout à fait. Il se moquait qu'on ne sache pas notre texte, ce qui comptait, c'est qu'on soit dans le vrai. Il refuse tout ce qui est de l'ordre de la manipulation. Ce qu'il veut, c'est rencontrer quelqu'un, que ce soit une personne ou un personnage. Il y a une scène où il m'insultait, je jouais une anorexique, il me hurlait : "Tu ne manges pas, tu ne chies pas, rien n'entre, rien ne sort", et il est parti après la colère d'un rire gigantesque. C'était sa manière de dire sans mot : "Ne t'en fais pas, je t'aime." Gérard connaît très bien son pouvoir de persuasion. Il savait que je pouvais être terrifiée, même pendant une prise, parce que justement, il ne joue pas. C'est très difficile d'être mauvaise face à lui. Je ne connais pas d'autres acteurs qui aient le talent aussi généreux. Si on me propose un film avec Depardieu, j'y vais directement, sans rien lire, sans m'enquérir de rien.

«Le 11 Septembre, on était ensemble. On s'est rassemblés, on faisait les suppositions les plus folles, que les pilotes avaient conduit les avions avec un pistolet sur la tempe. Il est sorti de sa loge, nous a dit : "Les pilotes, ce sont les terroristes. Sinon, ils seraient passés à côté, ils n'auraient pas été suffisamment précis." Il savait. Il a une appréhension logique et immédiate des situations. Un autre jour, Guillaume avait décidé de faire chanter aux trente figurants Frère Jacques, sur un bateau. Le cinéaste ne maîtrisait plus rien, il était furieux. Gérard est venu, il a ri avec nous. Puis : "Maintenant que vous avez bien rigolé, vous allez la faire, la scène." On a obtempéré. C'était si simple.»