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Des taudis en sous-sol

Pengfei Song dresse, avec «Beijing Stories», un constat glaçant de l’urbanisation sauvage de la capitale.

«Beijing Stories" de Pengfei Song. (Photo Urban Distribution)
Publié le 05/01/2016 à 18h41

Le regard désespéré que porte le jeune Pengfei Song sur la ville de Pékin, où il est né, semble aussi profondément marqué par la distance prise avec le monde chinois, puisqu'il a vécu sept ans à Paris et en Europe avant de retourner y vivre. Assistant du Taïwanais Tsai Ming Liang sur le Visage et les Chiens errants, Pengfei s'inspire de la lente érosion existentielle de son mentor pour brosser dans ce film court (1 h 15) un triple portrait de citadin en déroute. Un couple déjà âgé essaie de vendre sa maison à bon prix dans un quartier en pleine rénovation tandis que Yong et Jin sont deux jeunes Pékinois, lui ouvrier, elle danseuse dans un bar, qui se croisent dans les couloirs de la cité souterraine de Pékin où ils habitent.

Comme des milliers de Chinois désargentés, ils appartiennent à la «tribu des rats» (Shuzu), ces migrants qui s’entassent dans des minuscules pièces à l’intérieur du réseau d’abris antiaériens construit sous la ville pendant la période où la Chine de Mao prenait ses dispositions pour contrer une attaque soviétique. Ils seraient près d’un million à vivre sous terre dans une ville à la démographie explosive (23 millions d’habitants).

Le cinéaste compose des scènes peu loquaces où chacun se confronte à l’absurdité d’un environnement entre espace d’habitat, travail et zones de loisirs, sous le coup d’une modernisation hors de toute proportion, où plus rien ne semble véritablement fabriqué à l’échelle des vies qui s’y déroulent.

Ces instantanés de la morosité chinoise finissent par être un peu trop formalistes et jolis à regarder si on veut bien prendre au sérieux le pessimisme de celui qui les cadre avec un soin presque précieux. Une scène cependant est épatante: celle où Yong, à moitié aveugle après un accident de travail, se douche tout habillé, se lavant le corps et les vêtements sous un maigre filet d’eau.