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Patriarcat

«Nahid», Iran intime et hypocrite

Ida Panahandeh dresse le portrait d’une jeune divorcée cherchant à refaire sa vie malgré les interdits.

Nahid (Sareh Bayat) s’est entichée d’un veuf prospère. (Photo Memento Films)
Publié le 23/02/2016 à 17h41

Adéfaut de prétendre à la panacée, on vit mieux en Iran. Tel semble, en substance, le message que tendait à faire passer la récente virée du président Hassan Rohani, accueilli en France et ailleurs en Europe avec tous les égards dus à son rang… et aux possibles retombées économiques induites par la réintégration internationale de son pays. Qu'après, il y ait encore des pisse-froid pour déplorer que l'Iran continue d'afficher le taux d'exécutions par habitant le plus élevé au monde, ou que le pays figure à la 173e place, sur 180, au dernier classement de la liberté de la presse établi par Reporter sans frontières, on n'y peut rien : la nature humaine est ainsi faite.

Emancipatrice

C'est dans ce contexte en trompe-l'œil, que les plus optimistes voudront néanmoins qualifier d'encourageant qu'arrive sur les écrans Nahid, nouveau cas de fiction exportable en provenance d'une nation qui, via Asghar Farhadi, Jafar Panahi, etc. (à suivre, le No Land's Song d'Ayat Najafi), a pris l'habitude de marquer des points - et parfois les esprits - dans le circuit cinéphile. Orné d'un discrètement méritoire prix de l'avenir dans la sélection Un certain regard au Festival de Cannes 2015, le film révèle effectivement l'ambition émancipatrice d'une cinéaste trentenaire, Ida Panahandeh, qui, après être passée par l'université des Arts de Téhéran et avoir fait ses gammes au sein de la télévision d'Etat, privilégie ici une louable liberté de ton.

Convictions

Prolongeant l'archi successful Une séparation (2010), déjà interprété avec toute la gravité inhérente au contexte par Sareh Bayat, Nahid s'articule derechef - comme son titre le laisse deviner - autour d'un portrait de femme valeureuse, captive d'une société inique capable de pousser l'archaïsme barbare jusqu'à la pendaison, la lapidation ou l'agression à l'acide. Mère et amante courage au pays des mollahs, Nahid assume ainsi ses convictions, dans l'ingratitude grisâtre d'une petite ville au bord de la mer Caspienne. Divorcée d'un toxico, elle élève seule son fils et, parallèlement, s'entiche d'un veuf prospère, limite cool contextuellement parlant, symbolisant une ouverture possible de la société perse (cf. l'embourgeoisement occidental du domicile).

Sans faux pas - ni fulgurance -, le récit arpente de la sorte la piste du drame intime s'employant à démont(r)er l'hypocrisie et la pesanteur d'une hiérarchie sociale où des valeurs familiales fondées sur le patriarcat finiraient d'office par primer sur le bonheur individuel et, a fortiori, féminin. Signe tangible de progrès (?) cependant, il s'y révèle que c'est par le biais des images de vidéo-surveillance qu'en Iran, on épingle désormais les mœurs «dissolues».