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Libération
Critique

«13 Hours», c’est Bay pour la morale

Entre plaisir barbare et pathos, reconstitution confuse de la bataille de Benghazi par le réalisateur de «Transformers».
publié le 29 mars 2016 à 17h51

Le film 13 Hours de Michael Bay n'est vraiment pas ce «film d'action à couper le souffle» que partout font miroiter ses affiches. Film au souffle coupé, déjà cela lui irait mieux. Blockbuster qui se contracte en une sorte d'asphyxie sans pourtant nous la faire éprouver. Croyant appuyer là où ça fait mal, 13 Hours ne peut que se scarifier lui-même. Ce n'est pas un spectacle agréable.

L'histoire tient en trois mots : «US go home», c'est son slogan (impérissable) et son synopsis (interminable). L'habituel «basé sur des faits réels» qui lui sert de caution politique sonne faux exprès, et pas à cause d'un excès d'imaginaire. Il s'agit de l'impatiente reconstitution de l'attaque du consulat américain de Benghazi, Libye, 2012, qui voit mourir un ambassadeur et la CIA déguerpir du pays. Seuls héros de cette bataille, un groupe de guerriers fatigués se demande ce qu'il fait là, abattant par pur devoir quelques centaines de combattants anonymes.

Le pur devoir, c'est bien la force qui semble animer ce film - il consume ses millions de dollars dans le seul but de rester moralement irréprochable, à la fois militariste et compatissant comme un spot de campagne d'Hillary Clinton. 13 Hours a en quelque sorte le mauvais goût de reculer devant sa propre barbarie, par exemple en compensant son amour pour le massacre par une pensée pour les mères éplorées des combattants anti-américains, ou en torturant son escadron de vrais-hommes-entre-euxpar l'évocation de leurs familles restées au bercail. C'est le drame de Michael Bay, auteur demi-souverain d'Armageddon, Pearl Harbor ou Transformers : étouffer dans sa propre gorge la volupté du cri de «Vive la mort !» Alors chaque plan vu de drone est tempéré par un plan vu de Skype, fiction d'une machine s'obligeant à rester humaine. Pas assez fasciste pour être réaliste, pas assez démocrate pour être sympathique, 13 Hours, qui se voudrait bien de son époque, est confus. Alors même que son spectateur, l'adolescent universel, le paraît de moins en moins en ce nouvel âge des extrêmes. Il passe en force à côté de son histoire.