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Libération
Shiva

«One Week and a Day», le deuil en riant

L’acteur Shai Avivi sublime le premier film d’Asaph Polonsky.

Publié le 16/05/2016 à 20h31

Il y a chez le comédien Shai Avivi, qui tient le rôle principal de One Week and a Day, premier long métrage du réalisateur israélien Asaph Polonsky, un tranchant, une éclatante absence d'habiletés sociales dignes d'un Larry David. Les premières minutes du film le montrent se cachant derrière un arbre pour échapper à un couple de voisins, puis leur claquant la porte au nez, avant, bien des péripéties plus tard, de gifler la femme et de se battre avec le mari.

Le formidable sens du tempo comique de l’acteur, célèbre en Israël pour sa participation à un talk-show satirique mais jusqu’ici quasi introuvable sur nos écrans, fait beaucoup pour ce récit de deuil déjanté. Avivi y incarne Eyal Spivak, marié à Vicky (Evgenia Dodina, parfaite en contrepoint imperturbable) et père d’un homme de 25 ans récemment mort d’un cancer.

Nous sommes au lendemain du Shiva, les sept jours de deuil de la tradition juive, et les parents, moyenne bourgeoisie rangée, vont s'employer à noyer leur tristesse de manière contrastée. Vicky coche machinalement toutes les cases du quotidien (travailler, faire un jogging, subir un détartrage…) avec un aplomb digne et blasé, tandis qu'Eyal, une fois ses voisins copieusement insultés, fumera quantité de joints en compagnie de leur fils livreur de sushis, utilisant pour cela l'herbe médicinale héritée de son fils à lui. Il se rendra au cimetière, non pour visiter la tombe de son fils, mais pour se recueillir sur l'occupante de celle d'à côté, qui vient tout juste d'arriver. «On a des morts à enterrer», se justifie le fossoyeur d'avoir déjà refilé la place, façon boulanger évoquant la prochaine fournée.

C’est sûr, le débit ne faiblit jamais. Le duo d’acteurs, que complète énergiquement Tomer Kapon dans le rôle du livreur loser, tient le film en équilibre sur une corde tragicomique sobre, l’émotion étant par ailleurs prise en charge par un discours fait pour l’inconnue du cimetière. Le père du défunt est brusque et sans gêne, odieux même, et jamais ne s’apitoie sur son propre sort. Il y a quelque chose d’enviable, d’admirable presque, dans cette liberté prise au moment où le monde s’y attend le moins. Elle témoigne de la finesse du regard en biais qui s’est posé sur lui.

One week and a Day d'Asaph Polonsky (Semaine de la critique) avec Shai Avivi, Evguenia Dodina… 1 h 30.