Certes, il est encore trop tôt pour parler d'habitude, mais le fait est que si la situation venait à se renouveler, on ne devrait pas s'en plaindre : pour la deuxième année consécutive, Anna Muylaert nous donne des nouvelles estivales de son pays, le Brésil, tel qu'appréhendé sous forme de pataquès familial mâtiné de clivages sociaux - un souci patent là-bas, plus que dans d'autres contrées. A 50 ans passés, la scénariste et réalisatrice ne fait plus figure de débutante. Mais sa découverte ne remonte qu'à juin 2015, lorsque son film Une seconde mère avait bénéficié d'un accueil légitimement chaleureux. Dans cette comédie pince-sans-rire, une domestique retrouvait une fille qu'elle connaissait à peine, faute de l'avoir éduquée, alors qu'elle avait développé parallèlement une relation autrement proche avec le fils de la famille bourgeoise chez qui elle vivait.
Variation sur le même thème - quid des notions de transmission, de complicité ou juste d'amour lorsque les pistes de la filiation ont été si brouillées par les vicissitudes de la vie ? -, nous arrive maintenant D'une famille à l'autre, affublé d'un titre (assez naze, genre sitcom) qui aurait pu convenir à Une seconde mère - et vice versa. Ici, c'est un ado de son époque - musicien, fêtard, bi - qui tombe des nues le jour où il apprend que la personne qui les a élevés, lui et sa petite sœur, n'est pas sa vraie mère, mais une femme qui les a kidnappés à la naissance. La découverte établie, comment rattraper le temps perdu au contact de gens qui, pour être les parents biologiques, n'en restent pas moins d'abord de parfaits étrangers avec qui rien ne va de soi ?
Tel est l’imbroglio que la cinéaste ne cherche pas tant à arbitrer qu’à décortiquer, à travers une succession d’échanges et d’attitudes où la vérité triompherait au détriment des «vainqueurs», des enfants soudain privés de leurs repères essentiels aux adultes fondés à réclamer un «dû» qui, néanmoins, ne leur a de facto jamais appartenu. A l’esclandre qui, dans pareil pastis, aurait pu prévaloir, Anna Muylaert préfère l’observation nuancée d’une situation inusitée, centrée sur l’ambivalence stoïque d’un garçon (Naomi Nero) plus enclin à se travestir en femme devant une glace qu’à se faire appeler Felipe après avoir répondu durant dix-sept ans au prénom de Pierre.