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Libération
Tempête

Cargo de vie

Avec«Jeunesse», son premier long métrage, Julien Samani s’intéresse à l’initiation en mer d’une jeune tête brûlée.
Dans «Cargo», d'après Joseph Conrad, Zico (Kévin Azaïs, à droite) se fait mener la vie dure. (Photo Alfama Films)
publié le 6 septembre 2016 à 20h01

Dans sa nouvelle d'après-guerre, Jeunesse, Joseph Conrad s'interrogeait : «Par toutes les merveilles du monde, c'est la mer, je crois, la mer elle-même - ou bien est-ce simplement la jeunesse ?» Fidèle à cette tension, le cinéaste Julien Samani a tiré son premier long métrage de cette nouvelle, après une poignée de courts.

Au Havre, un jeune paumé, Zico (Kévin Azaïs, repéré dans les Combattants de Thomas Cailley), embarque sans diplôme ni expérience sur un cargo, la Judée, au chargement inconnu, voguant sous pavillon du Panama. A bord, quatre types esseulés et peu avenants occupent déjà les lieux : un capitaine roublard (Jean-François Stévenin, débraillé), son second méfiant (Samir Guesmi), un lieutenant débonnaire et un cuistot asiatique. Le délicat apprentissage de cet ingénu se fait ainsi au contact de vieux loups de mer plus disposés à le houspiller qu'à lui consentir quelque responsabilité. Une tempête et un macchabée vont ensuite se succéder sur le navire décati, qui ressemble de plus en plus à une épave.

Vogue la galère : cette évocation par moments assez inspirée du bel âge dresse le portrait d'un apprenti marin qui incarne à lui seul toute la «jeunesse» du titre, à la fois comme état et comme élan. Issu du documentaire (notamment le mémorable la Peau trouée, en 2004, sur des pêcheurs de requins en Irlande), Julien Samani colle, jusque dans les entrailles du navire, aux pas de son jeune matelot, tête brûlée ballottée au gré des tracks grisants du compositeur Ulysse Klotz.

Ce que le cinéaste imaginait comme un «survival romanesque», soit une fresque d'aventures romantique, se réduit trop souvent à l'écran à une enfilade assez mécanique de rebondissements, aggravés par quelques maladresses d'écriture. Le film d'initiation maritime n'est pas genre aisé et Jeunesse souffre un peu de succéder à Fidelio, l'odyssée d'Alice (2014) de Lucie Borleteau, chevillé à un sujet plus surprenant, le désir d'une jeune femme seule en mer parmi un contingent de marins.