Film qu'on a longtemps cru totalement disparu, Propriété privée (1960) de Leslie Stevens est un polar écrit, coproduit et réalisé par son auteur pour 60 000 dollars, tourné dans sa propre villa à Hollywood et avec sa femme, la blonde Kate Manx (photo), dans le rôle d'une bourgeoise esseulée, en chaleur et proie de deux bad boys sortis de nulle part. Les voyous sont interprétés par Corey Allen (vu dans la Fureur de vivre de Nicholas Ray) et Warren Oates, promis à une riche carrière dans le Nouvel Hollywood, acteur fétiche de Sam Peckinpah ou de Monte Hellman. Le premier joue Duke, charmeur hypocrite qui s'est juré d'aider son compagnon de route, Boots, légèrement demeuré, à franchir le pas de son premier rapport sexuel. Pour ce, il travaille à lui offrir sur un plateau la pauvre Ann, qui passe ses journées à se morfondre autour de sa piscine. Le chef-op cador Ted McCord (qui a bossé pour Curtiz, Kazan, Huston…) s'en donne à cœur joie dans ce kammerspiel poisseux et à la lente et inexorable brûlure d'affects sexuels mortifères. Le film est d'autant plus fascinant que Stevens refit jouer à Kate Manx un autre rôle de femme assaillie, chair à viol, dans Hero's Island (1962), film de moindre retentissement formel. Elle demandera le divorce, accusant son mari de cruauté, et se suicidera en 1964 en avalant une dose massive de médicaments, laissant derrière elle un fils en bas âge. L'agressivité du film à l'encontre de sa seule figure féminine se lit aussi à travers cet arrière-plan biographique plus que chargé.
Reprise
«Propriété privée», vilains avec piscine
Kate Manx est la proie de deux voyous dans «Propriété privée».
(Photo Cinelicious Pics)
par Didier Péron
publié le 6 septembre 2016 à 18h21
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