Tout le programme est dans le titre, tiré d'un dialogue de la Tempête : mettre sur le même plan la douleur des exilés d'hier (le noble Prospero et sa fille) et les réfugiés d'aujourd'hui. Donner à la tragédie qui se joue actuellement en Europe - «la plus grave crise de réfugiés depuis la Seconde Guerre mondiale» - les accents de drame shakespearien qu'elle mérite, plutôt que la réduire à des statistiques morbides claironnées par les chaînes d'infos à chaque nouvelle catastrophe (et aussitôt remisé dans un coin de sa mauvaise conscience par le spectateur). Et cela pour quoi ? Pour tenter, une nouvelle fois, de rappeler aux Européens leur devoir.
C’est Vanessa Redgrave, comédienne britannique née en 1937, autant connue pour ses rôles au théâtre et au cinéma que pour ses engagements en faveur des droits de l’homme, qui s’y est collée, prenant la caméra pour la première fois à l’âge de 80 ans. On la suit dans ses visites ici et là (à Calais, ou lors de la manifestation «Refugees Welcome Here» à Londres en septembre), et dans ses rencontres avec des acteurs d’ONG.
L’idée n’étant pas, malgré un début le laissant penser, de tirer quelques destins personnels de la masse d’anonymes fuyant la Syrie ou l’Afghanistan, mais plutôt d’examiner la réponse de l’Europe, et particulièrement du Royaume-Uni (peu généreux) et plus brièvement de la France (lors du démantèlement de la «jungle» à coups de lacrymos). Les réfugiés, eux, sont loués pour leur courage, mais le contexte de la fuite des uns et des autres n’est pas rappelé, peut-être le connaissons-nous trop bien.
Le résultat est un peu confus, alternant des discours ayant la poésie d'une publi-information Unicef, quelques séquences gênantes (et un trop-plein de people - Ralph Fiennes, Emma Thompson…) mais aussi des moments poignants, particulièrement efficace lorsqu'il trace un parallèle entre les enfants sauvés par les Kindertransport lors de la Seconde Guerre Mondiale et ceux livrés ici à eux-mêmes. Un homme en particulier porte cet héritage : le baron Alfred Dubs, ancien «MP» travailliste, né à Prague d'un père juif en 1932 et sauvé grâce à l'action d'un philanthrope britannique. Il a fait passer en 2016 un amendement prévoyant l'accueil de réfugiés mineurs non accompagnés (dont l'application est hélas toute relative) : l'exemplarité de son parcours, avec sa manière bonhomme de l'évoquer, aurait mérité un film entier.