Avec quel dernier flash aimerait-on s’imprimer la rétine si l’on devait perdre la vue ? Pour notre part, on le confesse, ce ne serait peut-être pas avec du cinéma (sorry, Cannes). Mais qu’on pose en revanche cette question au cinéma coule de source : il est cette salle où l’on passe de notre plein gré du grand noir à la lumière, alors pourquoi pas l’inverse ?
Ava, 13 ans, est atteinte de rétinite pigmentaire. Elle va devenir aveugle, on la cueille à l’orée du dernier été qu’elle verra, qui n’est sans doute pas le dernier qu’elle vivra. Le processus ne sera pas une coupure nette, plutôt un fondu, qui va l’atteindre de nuit, puis de jour.
Sa mère, midinette irresponsable (Laure Calamy, impeccable) aimerait qu'elle passe «le meilleur été de sa vie» sur une plage basque et s'active aussitôt à ne pas s'occuper d'elle. En prévision du black-out, Ava (Noée Abita, dont c'est le premier film) va, elle, tenter de fortifier ses autres sens, et à bien des égards. Car ce premier long métrage de la scénariste Léa Mysius (les Fantômes d'Ismaël) est autant un film sur la perte de vision que sur l'adolescence, la conjonction des deux états entraînant une foison d'expériences limites de manière plus ou moins convaincante. Le film évite l'écueil de vouloir nous en mettre plein les yeux (après tout, ce n'est pas le spectateur qui perd la vue) mais baigne ses plans d'une douce lumière mordorée, où miroitent les couleurs d'un monde en train de s'affadir.