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Libération
Critique

«The Meyerowitz Stories», le parti conservateur

Noah Baumbach ronronne avec sa tragicomédie familiale juive new-yorkaise, diffusée sur Netflix.
publié le 17 octobre 2017 à 19h36

Lors du dernier festival de Cannes, The Meyerowitz Stories (New and Selected) fut surtout remarqué pour être, avec Okja de Bong Joon-ho, l'un des deux films de la compétition officielle produits et/ou diffusés par Netflix, sélection qui fut l'objet d'une controverse engendrant un appel au boycott de la part de certains exploitants. Au-delà de cette polémique caduque, le dernier film de Noah Baumbach, visible sur la plateforme depuis vendredi, prête malheureusement le flanc à ses détracteurs pour des raisons plus profondes. Il semble en effet totalement correspondre au reproche qui lui est fait de n'être que le portraitiste snob de la bourgeoisie artiste de Manhattan, le fils trop zélé d'un Woody Allen dont il serait déjà le successeur autodésigné.

Dans ses précédents films, Noah Baumbach échappait en partie à cette caricature grâce à une vraie fantaisie, notamment due à son travail avec sa compagne, l'actrice Greta Gerwig (Frances Ha, Mistress America), ou par une mélancolie amère qui faisait craquer le vernis de ce cinéma moins superficiel qu'il n'y paraît (While We're Young, et surtout Greenberg, sans doute son meilleur film à ce jour). Mais, bien qu'habilement écrit et interprété par une brochette d'acteurs formidables (Adam Sandler en tête, mais aussi Ben Stiller, Dustin Hoffman, Emma Thompson…), son dernier film provoque effectivement un sentiment de lassitude et d'ennui à force de dérouler paresseusement le parfait programme de la tragicomédie familiale juive new-yorkaise.

Deux frères et une sœur nés de trois mères différentes se réunissent autour de leur père, un sculpteur moyennement reconnu, hospitalisé après une attaque ; ces retrouvailles vont raviver tout l'arsenal de rivalités, de jalousies, de névroses anciennes macérées à l'ombre de ce père trop encombrant ; sans oublier les inévitables rapports à la fois tendres et vaches entre générations et, bien sûr, la fameuse angoisse de la cinquantaine. Certes, Wes Anderson (dont Baumbach fut le coscénariste à deux reprises) a fait des merveilles avec des sujets proches, parvenant à réinventer complètement le genre à travers un humour et une mélancolie très personnelles. Mais contrairement à l'auteur de la Famille Tenenbaum, Noah Baumbach s'avère être ici un cinéphile trop respectueux, un bon élève trop sage pour dépasser le stade de la brillante copie sans âme. Avec ce casting quasi parfait, son talent évident pour les dialogues et une incontestable aisance dans la mise en scène, il donne le sentiment d'être un enfant trop gâté pour vraiment apprécier ses jouets et nous offrir autre chose que le strict minimum de ce que l'on est en droit d'attendre de lui. Si jeune et déjà routinier.