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Libération
Cannes 2018

Hors-service : quatrième jour

publié le 11 mai 2018 à 20h16

Un voyeur à Paris chiale sur son trône de déshérité. Fenêtre sur cour, les nuits d'été sont proches - les appartements laissent leurs rideaux non tirés, de quoi se désintéresser facilement des objets célestes pour coller plutôt son regard à quelques âmes défeuillées. Au loin le glam, à Cannes, c'est toujours le Truman Show. Il n'y a pas d'autre condition possible que celle de curieux forcé, les yeux astreints à regarder défiler des flots de films ou des flots de personnalités divers et variés. On est pris dans les portes battantes : tout est toujours plus-que-visible si bien qu'on n'y voit rien. Le Playtime n'a ni queue ni tête tandis que ces artères se retrouvent exposées sur Instagram, Periscope, Snapchat. On y voit déambuler des promeneurs qui font dix fois l'aller-retour sur le boulevard de la Croisette dans l'attente de cet ennui où ils se trouvent déjà. En direct-live, le filmeur d'anodin ne se rend même pas compte. Il ne nous livre rien, se comporte tel un vendeur de rêve à la sauvette : «Viens, y'a de la place, toi aussi tu vas devenir une star.» On attend la nuit, engagé dans le silence, pour que derrière un pixel entrebâillé de cette ville sous vitrine, on puisse discerner furtivement, réalisme magique sur tablette tactile, quelques irrégularités. Sur le balcon d'un hôtel glitché, un tigre phosphorescent nous regarde de loin, séquelle d'une Tropical Malady. La traîne à strass de Cassandro glisse le long de la baie tel le plus beau des boïdés, des ectoplasmes de divas autrefois récompensées errent dans des images figées de téléphones surchauffés. Il faut savoir regarder. «On dit que les sentinelles peuvent dormir les yeux ouverts», entend-on dans la Mort en direct. Pour ces figures, je les garde à jamais écartés.