Carlos Eduardo Robledo Puch est très connu en Argentine pour avoir été le tueur en série le plus meurtrier du pays (onze victimes en moins d’un an), avant d’être l’Argentin ayant purgé la plus longue peine de prison - il est incarcéré depuis 1972. N’ayant pas encore 20 ans lorsqu’il fut arrêté, il arborait alors un visage d’éphèbe aux cheveux blonds bouclés contrastant totalement avec la monstruosité de son itinéraire meurtrier et qui contribua amplement à l’édification de son mythe. Comme le titre de son film l’indique, c’est d’abord cette gueule d’ange qui a intéressé Luis Ortega, sa beauté fatale plutôt que sa psychologie déséquilibrée, le trouble provoqué par sa plastique plus que le dégoût de ses actes.
Il en découle un film sexy et vintage plutôt qu’un thriller glaçant, où est surlignée la supposée homosexualité ou bisexualité de l’assassin (hypothèse jamais avérée), tandis que sont éludés les viols et agressions sexuelles qu’il a commis sur des jeunes filles. Ce choix du mythe contre la réalité n’est pas un problème en soi, et d’autant moins ici qu’il est intelligemment pensé par le cinéaste comme une forme de distance consistant à nous faire éprouver le charme du tueur plutôt qu’à nous en rendre juge. L’apparente légèreté du film, qui dédramatise ce qu’il rend attrayant, est donc aussi une traduction de l’inconscience du jeune homme sur la gravité de ses gestes, comme s’il nous était donné de voir son itinéraire sanglant à travers son miroir de narcisse psychopathe. De cet écart découle une forme d’humour noir, une constante ironie, mais jamais insistante et, surtout, qui ne se construit pas sur le dos des victimes - la violence est ici sèche, brutale, jamais exhibée ou matière à rire gras.
L'élégance de la mise en scène d'Ortega se montre à la hauteur du goût de son personnage pour les jolies fringues, les belles voitures, les motos rapides et les musiques dansantes. Dans cette superficialité très consciente et travaillée résident à la fois la limite du film et sa singularité. Plus sensuel que sexuel, l'Ange est peut-être d'abord un film sur le désir, dont cet ange noir de Robledo Puch incarnerait à la fois ce qu'il peut avoir de plus enfantin et de plus fatal.