Après un premier long métrage qui gravitait autour de la représentation de la surdité (A Silent Voice), la cinéaste Naoko Yamada raconte cette fois une histoire par le son. Liz et l'Oiseau bleu s'ouvre par une séquence aussi belle qu'en apparence anodine, où se condensent discrètement tous les nœuds de cette histoire d'amitié à réparer. Assise sur les marches de son école, Mizore, lycéenne à frange, rêvasse. Dans son esprit s'étale une scène de conte au bucolisme ostentatoire, dans laquelle une fermière caresse des dizaines d'animaux assemblés dans une clairière inondée de soleil. Des couleurs chaudes et chatoyantes qui jurent avec le cadre bleu acier de ce lycée désert où attend la jeune fille un dimanche matin. De longues secondes s'écoulent dans un silence à peine perturbé par quelques notes de piano. Quand une deuxième jeune fille fait irruption, se forme une mélodie dont les notes légères et joyeuses semblent calées sur le claquement de ses pas. Envoûtée, Mizore suit cette queue-de-cheval qui dodeline devant elle mais semble incapable de se caler sur son rythme, le bruit de ses souliers résonnant à contretemps dans les couloirs. Harmonie contrariée.
En quelques minutes presque sans paroles, par cette simple démarche asynchrone, le film dévoile que Mizore et Nozomi furent amies mais ne sont plus proches. Que l'alignement a été brisé. Si les jeunes filles se pointent ainsi dans un bahut vide, c'est pour les répétitions de leur club de musique. La première joue du hautbois, la seconde de la flûte traversière ; ensemble, elles ont la charge d'un solo dans Liz et l'Oiseau bleu. Une œuvre qui parle de l'amitié folle, inconditionnelle, dévorante, entre cette fermière qui habitait les pensées de Mizore et un oiseau qui prend les traits d'une jeune fille. Le film se construit dans cet aller-retour entre le merveilleux et le réel, entre le lyrisme élégiaque et les mélodies timides. Si les deux registres s'éclairent et se nourrissent l'un l'autre, le film souffre de ne jamais trouver son propre langage visuel de conte et de piocher dans une imagerie d'Epinal située quelque part entre Bambi et Heidi.
On craint par ailleurs qu'en s'enfermant dans une approche graphique des personnages très typée (le film est un spin-off de la série Sound ! Euphonium qu'il n'est nullement nécessaire de pratiquer), Liz et l'Oiseau bleu peine à séduire au-delà du cercle restreint des amateurs de japanimation. A tort. Car délestée de l'effusion sentimentale qui plombait un peu son film précédent, Noako Yamada fait montre d'un beau talent pour raconter par la bande. En laissant un décadrage dire le statut social d'un personnage, en attirant l'œil du spectateur sur le vide (d'un regard) au milieu du plein (d'un groupe de filles qui bavardent). Le fossé qui sépare la timide Mizore de la populaire Nozomi se manifestant de façon quasi physique lorsque la cinéaste montre qu'un sourire peut être avenant comme il peut former une barrière destinée à repousser l'autre.
Travaillé comme un outil de mise en scène, le son a été pensé en amont du story-board afin qu’images et animations puissent s’accorder aux compositions de Kensuke Ushio qui envahissent l’environnement - comme ces bruits de pas du début. A la fois enjeu du film (l’harmonie à retrouver), champ de bataille (la partition à dompter) et seconde incarnation des personnages qui se confondent avec leur hautbois et leur flûte, la musique ne cesse jamais de raconter. Jusqu’à ce climax où les pieds battent enfin à l’unisson.