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Libération
Critique

«Alice» auprès du maire veille

Joute. Nicolas Pariser se frotte à l’exercice du pouvoir, avec un Luchini retrouvé.
publié le 20 mai 2019 à 21h16

Après avoir puisé dans l'affaire Tarnac pour le Grand Jeu, Nicolas Pariser poursuit son exploration de ces zones de la société contemporaine qui nourrissent à peu près aussi abondamment les unes des médias qu'elles préoccupent peu les scénaristes français de cinéma. Il faut croire que l'action politique et la vie des idées sont aussi peu propices à la mise en scène que la pratique sportive professionnelle, et la singulière ambition d'Alice et le maire est d'en appeler à tout cela à la fois, pour mettre en duel l'exercice du pouvoir et sa critique théorique sur le mode d'un match de ping-pong ou de tennis.

La belle et tendre confrontation du film oppose un maire de Lyon lessivé par des décennies de mandats à une jeune normalienne, parachutée à un poste flou pour irriguer cet édile à la fois las et insatiable en idées neuves. Leur joute, qui brasse conseils de lecture et considérations sur la modestie ou l’écologie politique, est bien entendu là pour orchestrer un rapprochement, l’imprégnation des contraires, entre la rouerie du vieux briscard et l’idéalisme éthéré de celle qui débarque - le film, quasi anachronique par son tableau apaisé du rapport au personnel politicien, caricature à peine moins ces oppositions de deux élites, mais s’en sort très bien, bien qu’on puisse lui reprocher, à sa gauche, de ne rien trouver à redire à la défense par le maire de son bilan, dès lors que celui-ci est estampillé PS.

La mise en scène, limpide, que l’on devine férue de Rohmer comme de Guitry, délimite une arène princière à ses comédiens, et Anaïs Demoustier y brille comme rarement. Mais la grande joie du film est de voir Fabrice Luchini rapiécer la gangue de caricature de lui-même dans laquelle l’avaient enfermé deux ou trois décennies de rôles et de comptoirs télé pour que ressurgisse, plein d’évidence, dans l’espace d’un film entier, un comédien prodigieux d’intelligence calme, qui nous avait manqué.