Chambre 212 de Christophe Honoré s'ouvre sur une scène formidable, qui retourne le cliché vaudevillesque de l'amant caché dans le placard en sortie de penderie d'une maîtresse, Maria (Chiara Mastroianni), souveraine dans sa façon de revendiquer son goût pour les étudiants aux patronymes érotiques. Pendant un bon quart d'heure, le charme opère à merveille : rythme pétillant, dialogues ciselés, acteurs impeccables. Le ton et le tempo évoluent lorsque, suite à la découverte de ces infidélités, Maria et son mari, Richard (Benjamin Biolay) se quittent. Elle s'installe dans l'hôtel situé en face de leur appartement, d'où elle peut l'observer de sa fenêtre. Dans sa chambre apparaissent des personnages de sa vie, qui tenteront d'en faire le bilan avec elle : Richard à l'âge de 20 ans (Vincent Lacoste), la collection de ses jeunes amants, sa mère et sa grand-mère mortes, et même sa conscience, à qui elle trouve une étrange ressemblance avec Charles Aznavour… On accepte volontiers ces apparitions, encombrantes matérialisations des pensées et souvenirs de Maria, tant le film impose cette règle avec une joie communicative. Le problème est qu'au fur et à mesure que ce petit théâtre se déploie, la comédie légère se teinte d'une poésie un peu surannée, et qui ne raconte rien de plus nouveau qu'un mélange de vaudeville et de comédie du remariage dans un jeu narratif à la Bertrand Blier. Le plus étonnant est d'y constater une drôle de bifurcation cinéphilique d'Honoré, qui passe ici de Demy et Truffaut à Blier et Resnais dernière période - les maquettes d'immeubles, les lumières colorées et l'utilisation de la neige font fortement songer à Cœurs (2006). Tout se délite définitivement lorsque, après l'apparition de la rivale de Maria (Camille Cottin), Mastroianni cesse d'être le pivot soutenant le fragile et inégal équilibre du récit. L'émotion qui est alors censée gagner la comédie, laisse de marbre : à force d'artifices et de trucs scénaristiques, on ne croit plus en rien. Et l'on ressort perplexe d'un film qui commençait pourtant si bien.
Critique
Honoré, théâtre de «Chambre»
par Marcos Uzal
publié le 20 mai 2019 à 21h16
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