Menu
Libération
Critique

«Dogs Don’t Wear Pants», SM le doute

Festival de Cannes 2019dossier
Le Finlandais Jukka-Pekka Valkeapää aborde un peu brutalement les jeux sado-masochistes.
publié le 21 mai 2019 à 20h46

Dans Liberté d'Albert Serra, présenté à Cannes dimanche (lire Libération de lundi), un libertin contemplant une scène de débauche affirme à un autre que «tout ceci est intérieur». C'est une chose que pourrait dire Juha, le protagoniste de Dogs Don't Wear Pants, pour qui la découverte du sado-masochisme est d'abord une façon de se retourner en lui-même pour y retrouver un fantôme : en se faisant attacher et étouffer jusqu'aux limites du respirable, il peut mieux que jamais s'imaginer à nouveau réuni avec sa défunte épouse, dans ce paysage intérieur qu'est devenu le lac où elle s'est autrefois noyée. Il va devenir accro aux sacs plastiques sur la tête et à sa belle dominatrice, tandis que cette dernière, sous son visage de marbre et son costume de latex, se montrera de moins en moins indifférente à cet émouvant client.

Ce drôle de deuil, cette étrange rencontre amoureuse, ce passage par un simulacre morbide pour mieux retrouver goût à la vie, sont de belles idées de scénario. Malheureusement, une fois qu’elles se dévoilent, le cinéaste ne semble plus trop savoir qu’en faire. Ou plutôt, c’est comme s’il ne voulait pas se risquer à l’émotion, là où un David Cronenberg (auquel le film fait parfois songer) aurait au contraire su pousser une telle histoire jusqu’aux confins de la tragédie. Pas assez romantique ou pervers, le Finlandais Jukka-Pekka Valkeapää choisit plutôt de se protéger par le rire ou par des scènes qui se contentent de choquer à bon compte. Il a un talent indéniable, quoiqu’un peu trop clinquant, mais il est dommage qu’il en use de façon si roublarde, préférant obliger le spectateur à détourner les yeux d’un sauvage arrachage d’ongle ou de dent plutôt que de lui faire regarder en face toute l’humanité contenue dans des pratiques a priori rebutantes.