[Série voyages inspirés : en attendant de reprendre à notre tour la route de vacances plus ou moins lointaines, Libération raconte de fameux périples d'artistes]
«Tout voyageur poursuit un fantôme qui perpétuellement lui échappe.» Ces mots d'Aldous Huxley auraient pu parrainer l'aventure singulière dont Federico Fellini fut en 1984 le jouet crédule et consentant - à moins que l'on découvre un jour qu'il en avait été le mystérieux instigateur… Car enfin, comment imaginer que l'auteur de Huit et demi, cinéaste démiurge et grand illusionniste devant l'éternel, ait pu ainsi se laisser embarquer dans un périple plus étrange encore que ses fantasmagories gravées sur celluloïd, s'il n'en avait pas lui-même secrètement fomenté la trame ? Et pourtant… Il semble bien qu'en fait de mystification, le maestro avait trouvé son maître, le temps d'un voyage qu'il entreprenait au Mexique peu avant le tournage de Ginger et Fred. Lui qui refusait de quitter Rome, sa ville de cœur, parce qu'il avait peur de l'avion, et dont Cinecittà était devenue en quelque sorte la seconde maison et, pour tout dire, le prolongement de sa bouillonnante psyché, tant il semblait pouvoir y matérialiser ses rêves les plus délirants, avait donc consenti à braver son aérophobie et à déroger à ses propres règles, pour partir à la rencontre de Carlos Castaneda, un anthropologue américano-péruvien adepte du chamanisme, un peu gourou aux entournures, écrivain culte des sev