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Libération
Critique

Les années de plomb passées à l’argentique

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Trois raretés issues du «poliziottesco», genre mal connu né de la violence qui a frappé l’Italie des années 70, sont rééditées.
«Le Témoin à abattre», 1973. La recette du poliziottesco : un brave flic qui tente de faire son travail malgré la corruption. (Photo Studiocanal)
publié le 26 janvier 2021 à 17h06

A la fin des années 60, après une parenthèse euphorique portée par le miracle économique d'après-guerre et ses promesses d'azur, l'Italie basculait brusquement dans la terreur, avec l'attentat de la Piazza Fontana à Milan, inaugurant les années de plomb. Terrorisme d'extrême gauche (les Brigades rouges) et d'extrême droite, conspirations néofascistes (le réseau Gladio), recrudescence de la délinquance et du banditisme, pulsions sécuritaires de l'Etat qui instaurera la «stratégie de la tension», corruption des élites… Durant la décennie suivante, jusqu'à l'attentat de la gare de Bologne en 1980, le pays vivra sous la dictée rythmique de la peur. Ce changement d'affect, enterrant la légèreté sixties sous les assauts d'une réalité devenue mortifère et dépressive, allait évidemment innerver tout un pan du cinéma bis des années 70, qui saura comme jamais prendre le pouls d'une Italie en plein chaos politique, notamment par une représentation frontale de la violence.

Si le giallo et ses meurtres graphiques ne laissait affleurer ce climat d'angoisse généralisée que sur un mode allégorique, un autre fleuron du cinéma d'exploitation transalpin allait, lui, s'en faire l'écho de manière directe et littérale : le poliziottesco, ou néopolar urbain, genre encore relativement méconnu en France bien qu'il fût extrêmement florissant et populaire en Italie. La plupart n'ayant souvent bénéficié que de sorties VHS avant de disparaître complètement des radars, saluons l'édition