Dans la première salle, à côté du fourmillant et vertical Boulevard des Capucines de Monet (1873-1874, venu de Kansas City), trois admirables Renoir, même pour ceux qui n’aiment pas Renoir : la Loge (1874, venu de Londres), la Parisienne (1874, venu de Cardiff), la Danseuse (1874, venu de Washington). A eux seuls, ils méritent le voyage à Orsay. Renoir est le grand passe-crème des femmes. Il les couvre de matières, de couleurs, de chair, de tissu, il les maquille de santé et les tartine de grâce, souvent jusqu’à les avachir. A son meilleur, ces tableaux faits dans la trentaine, leur virtuosité sensuelle chauffe l’œil et fait fondre tout ce qui pourrait le glacer. Quand ils sont exposés au premier salon indépendant des Impressionnistes, du 15 avril au 15 mai 1874, un journaliste écrit qu’ils fixent «les trois étapes par où passent communément les petites dames de Paris» : danseuse adolescente, jeune femme encore timide, «cocotte» dans sa loge au théâtre, accompagnée d’un homme qui, au second plan, observe à la jumelle, vers le haut, des spectateurs dans d’autres loges. La vie moderne est une scène qui n’est pas sur scène.
La Parisienne est une jeune femme rabougrie et toute en bleu, à l’exception d’un petit bout de bottine noire et d’un grand bout de manche blanche. Le journaliste, qui s’appelle Jean Prouvaire, nom d’un martyr des barricades dans les Misérables, a décrit avec un enthousiasme sarcastique, assez machiste mais assez lucid