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Libération

Décrire, décrire, décrire, le tiercé de Léon.

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publié le 27 novembre 1995 à 9h55

Léon Zitrone faisait un drôle de métier. Il racontait les choses au moment même où elles advenaient. Aujourd'hui, on dirait qu'il les racontait en «temps réel». Et si ce métier est désormais en voie de disparition, c'est que Léon Zitrone appartenait à un temps où l'audiovisuel était encore du visuel audio. Zitrone ne parlait pas de l'image. Il parlait depuis l'image. Sa voix faisait partie du cadre, s'intégrait à l'événement, voire rivalisait avec lui. Mariages princiers, enterrements royaux, Léon Zitrone semblait toujours poser une seule et unique question ontologique: que peut encore le verbe contre la force immanente de l'image?

A ce titre, ce sont peut-être ses commentaires hippiques qui resteront les plus marquants. On se souvient: sa voix prenait le départ, hennissante, frissonnante, les herses se levaient, puis ses mots se cabraient, s'emballaient, sa voix devenait galopante, il cravachait les phrases, son commentaire à bout de souffle coursait l'image, cherchant désespérément à rester à sa hauteur, à ce que son verbe et l'image arrivassent ex aequo au poteau.

Certes, dans les milliers de tiercés que Léon Zitrone a pu commenter à bride abattue, sans doute n'y a-t-il jamais eu photo: d'une courte encolure, l'image arrivait toujours en tête à côté de la parole. Combat perdu d'avance. Mais ce fut l'immense talent de ce vieux cheval de Léon d'avoir toujours couru après le réel en mouvement comme s'il pouvait le rattraper.

Zitrone avait choisi ce pari impossible: non pas raco